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UNE COURSE DANS L’ASIE MINEURE.

que celle de Crésus ; le terrain qui le porte est un poudingue sablonneux qui présente des parois parfaitement verticales d’une immense hauteur. Peut-être l’art avait-il rendu encore plus abruptes les abords de l’acropole du côté de la plaine arrosée par l’Hermus. Quoi qu’il en soit, nous nous trouvions fort embarrassés devant ce mur à pic de plusieurs centaines de pieds. Après diverses tentatives infructueuses, nous découvrîmes un sentier étroit qui semblait joindre ensemble plusieurs pyramides à pans escarpés et souvent verticaux comme ceux de la montagne. Nous suivîmes cette espèce de pont sans garde-fous, et nous finîmes par arriver à l’acropole.

C’était un magnifique spectacle et supérieur peut-être à tout ce que nous avions vu jusque-là, certainement plus extraordinaire. De toutes parts, sous nos pieds, des pyramides rougeâtres s’élevaient en désordre les unes au-dessus des autres, à peu près comme les aiguilles des glaciers. D’un côté, les étages verdoyans du Tmolus s’abaissaient peu à peu vers la plaine ; de l’autre, on découvrait la plaine couronnée de montagnes, le lac de Gygès, les tertres tumulaires des anciens rois de Lydie. Cette plaine, ce lac, cet horizon, ce chaos de sommets qui semblaient de grandes vagues de sable rouge soulevées et enchaînées par un prodige, à leur pied le Pactole, et sur ses bords les belles ruines, blanches cette fois, du temple de Cybèle, nous-mêmes enfin isolés et suspendus au-dessus de cette scène merveilleuse, tout concourait à augmenter l’impression qu’elle avait d’abord produite sur nous. Nous restâmes quelque temps immobiles à cette vue avant de nous livrer à l’examen des ruines qui nous entouraient.

Les murs actuels de l’acropole s’élèvent certainement sur la place où était l’ancienne, car cette place ne peut avoir varié ; mais ces murs, ici comme à Éphèse, ont été construits dans les bas temps avec des fragmens en partie antiques. Partout des tronçons de colonnes, de chapiteaux, sont engagés dans la muraille. Plusieurs des débris qui la composent portent des inscriptions. Une d’elles était chrétienne ; une autre, qui nous parut curieuse, parlait de cinq amours consacrés à la douce patrie. Mérimée en prit copie, et il fit bien, car il faut des jambes, que n’ont pas tous les collecteurs d’inscriptions, pour atteindre à celle-ci[1].

  1. Voici le texte de cette inscription :

    ΑΓΑΘΗ ΤΥΧΗ
    AVP. XPYΣEPΩΣ BAΓOPA
    NOMOΣ TOYΣ ΠENTE
    EPΩTAΣ THI ΓAYKYTA
    TH ΠATPIΔΙ.