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Américains, moins frappés que nous de l’importance du but, repoussent un moyen qui leur paraît excessif, quelle qu’en soit d’ailleurs l’efficacité.

D’un autre côté, il ne faut pas oublier que l’Angleterre, dans des vues qui étaient loin d’être légitimes, a long-temps usé et abusé d’un prétendu droit de visite sur les navires américains. Le droit de visite réveille chez les Américains des souvenirs glorieux, mais amers. Faut-il s’étonner de leur répugnance ?

Terminons par une observation qui nous paraît de quelque importance. Le droit de visite, nous le disions, a quelque chose en soi d’excessif, surtout lorsque les parties contractantes sont loin d’être égales en possessions maritimes et en forces navales. Ajoutons que l’exercice de ce droit n’est pas sans quelque danger, car l’abus en est facile ; il peut naître à chaque instant des complications fâcheuses, des malentendus difficiles à expliquer, des plaintes qui blessent et irritent le sentiment national. C’est dire en d’autres termes qu’il est sage et prudent de s’appliquer à faire disparaître le fait qui seul rend ces conventions nécessaires. La traite cessera lorsque les marchands d’esclaves ne trouveront plus de marchés où ils puissent vendre les malheureuses victimes de leur cupidité. Il y a des marchands d’esclaves parce qu’il y a des acheteurs, il y a des acheteurs parce qu’il y a des pays civilisés qui tolèrent encore l’esclavage. Le sentiment national comme l’humanité et la justice nous commandent de faire disparaître au plus tôt un état de choses qui est à la fois une honte et un péril. Quoi ! on proscrit la traite, on la frappe de peines sévères, on se soumet, pour la réprimer, au droit de visite, et on tolère en même temps l’esclavage, qui est la cause unique de cette traite qu’on réprouve, et pour la suppression de laquelle on fait presque bon marché de la dignité nationale ! C’est là, reconnaissons-le, une contradiction flagrante. Il n’est pas permis d’être ainsi à la fois civilisés et barbares, chrétiens et païens philantropes et consommateurs d’esclaves.

Le message du président Tyler touche à d’autres questions non moins importantes et délicates. En général, son langage à l’égard de l’Angleterre est modéré, mais ferme et quelque peu austère. Ce sont des voisins qui se redoutent et qui ne s’aiment pas. On ne peut compter, pour le maintien de la paix, que sur leur prudence ; car les sentimens hostiles ne manquent pas plus que les causes de rupture. On avait répandu à New-York le bruit d’un conflit sanglant sur les frontières du Canada ; mais ce n’était là, ce nous semble, qu’un artifice habilement préparé pour faire des dupes à la Bourse.


La nouvelle comédie de M. Scribe poursuit, devant un public nombreux, le cours de ses représentations. Nous avons déjà constaté le succès d’Une Chaîne : il nous reste à discuter les titres auxquels ce succès a été obtenu, et à examiner en même temps les questions que soulève la comédie nouvelle au point de vue littéraire et au point de vue moral.