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porte avant tout, c’est que le droit établi, quel qu’il soit, ne puisse être un sujet de doute et de contestation pour personne. Qu’une proposition de loi soit faite et solennellement débattue : accueillie ou rejetée, il en rejaillira toujours une grande lumière ; il n’y aura plus de doute possible, et le droit positif, maintenu ou modifié, aura toute l’autorité et toute la puissance morale qui doivent lui appartenir.

M. le gouverneur-général de l’Afrique ne profite pas du congé qu’on lui avait accordé. Il ne veut pas, et il a raison, quitter son gouvernement et se donner du loisir au moment où de grandes choses paraissent s’accomplir, lorsque dans la province d’Oran surtout Abd-el-Kader est aux abois et semble sur le point d’être abandonné par les tribus. Ce qui a le plus nui à nos succès en Afrique, ce qui nous avait rabaissés dans l’esprit subtil et calculateur des Arabes, c’est notre inconstance, c’est le manque de persévérance dans nos projets, de suite dans nos entreprises. Ils n’ont jamais douté de la brillante bravoure de nos troupes, ils n’ont jamais cru qu’ils auraient bon marché de nous sur le champ de bataille ; mais ils ont pensé que nous ne songerions pas à tirer parti de la victoire, ils s’étaient persuadé que les difficultés du terrain, que les ravages du climat, que la guerre de détail, nous fatigueraient, nous rebuteraient, et qu’à la longue les anti-algériens l’emporteraient dans les chambres et dans les conseils sur les amis de notre conquête. Ils n’ont jamais espéré de pouvoir nous expulser d’Afrique, mais ils ont pensé qu’une résistance opiniâtre nous déterminerait à nous retirer. C’est là l’opinion qu’il importait de détruire ; c’est cette opinion qui tombe aujourd’hui. Les Arabes ouvrent les yeux ; la domination française va leur paraître inévitable comme la destinée ; le jour où ce fait moral sera accompli, l’Algérie est à nous. C’est là, disons-le, le mérite, la gloire de l’administration de M. Bugeaud, et la gloire aussi des habiles généraux qui le secondent et des admirables troupes qu’ils commandent. MM. Lamoricière, Bedeau, Changarnier, sont infatigables ; ils se sont pénétrés de l’esprit de cette lutte si particulière dans ses moyens comme dans ses résultats. On a rarement vu un accord plus parfait, un concours plus intime que celui qui se montre par les résultats entre M. Bugeaud et les généraux qui commandent sous ses ordres en Afrique. Dans cet état de choses et avec les nouvelles qui lui arrivent de tous côtés, et en particulier de la province d’Oran, M. le gouverneur-général n’aurait pu sans danger remettre le commandement et la direction en d’autres mains que les siennes. Il tient seul tous les fils de cette grande affaire ; il doit la conclure.

Espérons qu’il recevra du gouvernement tous les encouragemens et tous les secours qui lui sont nécessaires. Espérons surtout que le gouvernement prendra grand soin de donner à l’Afrique une administration parfaitement régulière et qui prévienne le découragement et les plaintes. Une commission vient d’être nommée au ministère de la guerre pour approfondir la question de la colonisation algérienne. Nous aimons à croire que les travaux de la commission ne seront pas l’occasion ou le prétexte de nouveaux retards. Une colonisation habile et sérieuse est nécessaire pour confirmer les indigènes dans