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REVUE. — CHRONIQUE.

voire même des colonies. Les dissentimens ne commencent que lorsqu’on touche aux questions d’exécution et de préférence ; et alors ce n’est plus la politique qui inspire les opinions, c’est l’intérêt, l’intérêt général pour les esprits éclairés et les caractères élevés, l’intérêt local ou de coterie pour les autres. Sur ce terrain, les partis se mêlent, les opinions se confondent ; la victoire, les échecs, ne sont ni une victoire ni des échecs politiques. Peu importe pour la lutte parlementaire entre le gouvernement et l’opposition que le chemin de fer de Paris à Strasbourg soit, comme on dit, circulaire ou direct.

Il n’en est pas de même des questions d’organisation politique. Le gouvernement a évité de faire aucune mention de ces questions dans le discours de la couronne. Ce silence, nous le disions, ne manquait pas d’habileté. À la veille de la lutte pour la présidence, avec les alliés dont il a besoin, il eût été imprudent pour le cabinet d’exprimer sa pensée, d’annoncer des partis pris, de dire d’avance qu’il consentirait ou qu’il ne consentirait pas à une transaction. Peut-être aussi n’en savait-il rien lui-même, et était-il également disposé à incliner quelque peu, selon les circonstances, vers la gauche ou vers la droite. Pour tout dire, il est en effet quelques-unes des questions du moment qui ne méritent point tout le bruit qu’on en fait. Elles ne sont ni aussi dangereuses ni aussi utiles qu’on le prétend.

Quoi qu’il en soit, ces questions arriveront à la chambre par l’initiative de l’opposition. On nous a déjà donné le texte d’une proposition ayant pour but d’adjoindre à la liste électorale la seconde liste du jury. Une seconde proposition, dont le texte ne nous est pas connu, est relative aux incompatibilités. Peut-être valait-il mieux en retarder quelque peu la présentation, attendre que l’ébullition d’une première victoire fût calmée, que l’adresse fût discutée. Ces propositions, par cela seul qu’elles ont été déjà présentées, ne se trouveront-elles pas entraînées dans les débats qui vont s’ouvrir ? ne seront-elles pas préjugées dans la chaleur de cette discussion, préjugées sans examen approfondi ? Dans l’entraînement de la lutte, n’y aura-t-il pas des partis pris dont on ne voudra pas revenir plus tard, lors même qu’au fond on tient ces propositions pour acceptables en tout ou en partie ? Ne valait-il pas mieux se borner, dans la discussion de l’adresse, pour la question intérieure, à ces points où le ministère en aurait été réduit à la défense de son administration et de ses actes ? Tels sont les doutes que nous avons entendu élever par des hommes éclairés, et qui paraissent bien connaître le terrain parlementaire. Nous savons au surplus qu’à ces prévisions et à ces conjectures il est facile d’opposer des prévisions et des conjectures toutes contraires ; nous savons combien il est difficile de se former à cet égard une opinion arrêtée et bien justifiée.

On dit qu’entre autres propositions il en sera présenté une à la chambre des députés par l’honorable M. Barrot ou avec son appui, ayant pour but de faire prononcer la législature sur la question qu’a fait naître le dernier arrêt de la cour des pairs. Nous applaudissons fort à cette pensée. Ce qu’il im-