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Espagne. Il est possible qu’on y soit encore sous les anciennes inspirations de lord Palmerston. Ce que l’Europe sait, c’est que la légation anglaise à Madrid est la même qu’avait formée le cabinet de lord Melbourne, ce cabinet qui était en Espagne en relation intime avec les exaltados. Les tories ne seront pas empressés de répudier cette partie de l’héritage de lord Palmerston.

M. de Salvandy va rentrer en France. Nous n’aurons plus qu’un chargé d’affaires en Espagne.

Pour en revenir au discours de la couronne, il était adroit de la part du ministère de ne parler explicitement, pour la politique extérieure, que des affaires d’Orient, et d’en parler dans le premier paragraphe du discours. Si, en effet, la discussion de l’adresse pouvait avoir, avant tout, pour objet les affaires d’Orient ; si on pouvait la ramener à une question de paix ou de guerre, à un débat rétrospectif et historique entre le 1er mars et le 29 octobre, le ministère aurait un double avantage. D’un côté, il trouverait les esprits fatigués d’avance de ces éternels débats, et courbés, bon gré mal gré, sous le joug des faits accomplis ; de l’autre, dans l’effervescence actuelle des intérêts matériels, lorsque la France entière demande à grands cris des canaux et des chemins de fer, le ministère, en jetant à la face de ses adversaire les mots terribles de guerre, de révolution, de banqueroute, obtiendrait un facile et bruyant triomphe. L’opposition acceptera-t-elle le combat sur ce terrain ? Prêtera-t-elle ainsi le flanc à l’ennemi ? Nous voulons encore en douter. L’opposition songera et à la chambre et aux électeurs.

C’est une grave résolution pour elle dans ce moment que le choix des points d’attaque. C’est là un fait qui peut être décisif, et qui, pour être apprécié avec justesse et sagement décidé, demanderait une organisation, une discipline auxquelles aucun Parti politique ne veut se soumettre chez nous. On l’a dit mille fois, il est cependant bon de le répéter : au fond, il n’y a chez nous que des opinions individuelles ; la liberté consiste à faire chacun à sa guise, souvent aussi à s’empresser d’agir pour devancer son voisin, et lui enlever je ne sais quelle petite gloriole au pas de course.

De là la difficulté, j’ai presque dit l’impossibilité de prévoir la marche et l’issue d’un grand débat parlementaire. Comment tenir compte de tous les incidens que peuvent faire naître la vanité personnelle et le caprice ? Qui peut calculer les résultats d’un combat où toute l’armée se dissout en tirailleurs ?

Cependant l’opposition ne peut pas ne pas reconnaître tout ce que sa position parlementaire demande d’habileté et de ménagemens après l’affaire de la présidence, et on peut croire qu’en présence de ces difficultés les chefs trouveront dans les rings de leurs amis toute la déférence que commandent la politique et l’intérêt politique.

Les questions intérieures sont graves et nombreuses, les unes d’intérêt matériel, les autres d’organisation politique.

Les premières n’offrent pas un véritable champ de bataille aux grandes fractions qui divisent la chambre des députés ; car tout le monde veut des chemins de fer, des canaux, une industrie active, un commerce florissant,