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REVUE MUSICALE.

LA REINE DE CHYPRE.

Après un intervalle trop prolongé, pendant lequel on n’avait guère vu se produire que des ballets, une traduction avortée et des intermèdes d’une fort médiocre importance, l’Académie royale de musique vient de donner la partition de M. Halévy. Quand on examine quelle affaire est aujourd’hui un opéra en cinq actes, quand on pense aux élémens multiples et tumultueux dont se compose cette énorme machine à rouler sur un sol musical, on se demande si, loin de s’étonner de ces lenteurs d’une mise en scène laborieuse, il ne faudrait pas plutôt crier au miracle chaque fois que le cours du répertoire amène quelque nouveauté. La musique, si compliquée qu’elle se soit faite de nos jours, irait encore : Dieu merci, nos maîtres ne sont pas hommes à se laisser surprendre par le temps, et, dussent-ils composer leurs chefs-d’œuvre feuille à feuille, morceau par morceau, et n’écrire leur ouverture ou leur finale que pendant la dernière nuit qui précède la représentation (orgueilleuse fredaine trop souvent renouvelée de Mozart, et qui n’a trouvé qu’une fois son excuse, dans l’ouverture de Don Juan), en général, les embarras ne viennent pas de leur fait. Mais comment prévoir les retards que peuvent entraîner ce déploiement inoui de costumes, cet attirail de mise en scène, cette invasion du matériel et des accessoires, qui, de plus en plus, se subordonnent les parties principales. Le musicien a terminé sa tâche ou peu s’en faut, les chanteurs savent leurs rôles, l’orchestre, pour déchaîner ses cataractes instrumentales, n’attend que le signal du chef ; mais combien de temps ne s’écoulera-t-il