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SOUVENIRS DES AÇORES.

si la résignation n’était une qualité meilleure et plus complète. Il semblait choquant, sous l’impression de cette mer, de ces montagnes, de cette nature si pleine de grandeur, de s’en aller courir avec de petites Anglaises et de leur répéter, à la clarté d’un soleil brûlant, des banalités ossianiques ; ou bien de rester à la ville pour débiter des fadeurs, dans un autre style, à quelques jeunes espiègles penchées sur leurs balcons ; ou, pis encore, de boire le vin du Pic avec le vice-consul de sa majesté britannique. N’importe les disparates, les habitans d’Horta sont aimables, pleins de cordialité, le site est enchanteur, et c’est avec peine que je vis arriver le moment du départ.

Pour aller de Fayal à Terceire, on double la pointe occidentale de la baie d’Horta, et l’on s’engage dans le canal que resserrent à l’ouest l’île Saint-George, à l’est l’île du Pic. Cette dernière, la plus grande des Açores, a soixante lieues de tour. La montagne, sur presque tous les points, s’élève à pic du rivage, et l’île entière n’est que la base d’un cône gigantesque. Les terres les plus fertiles sont situées en face d’Horta et appartiennent aux habitans de cette ville, ce qui, joint à l’âpreté du terrain dans les autres parties du Pic, fait qu’on n’y rencontre guère que de petits villages, des maisons éparses, des huttes habitées par de pauvres laboureurs ou de sauvages chevriers.

L’île Saint-George a une longueur de dix-huit lieues sur une demi-lieue de large. Elle semble être la crête escarpée d’une chaîne de montagnes dont les ramifications vont se perdre dans les profondeurs de l’Océan. Les bords de cette île, beaucoup moins élevée que sa voisine, ont des formes encore plus abruptes, et ses rochers sont posés perpendiculairement ; elle doit à la proximité du Pic une fertilité que celle-ci ne possède pas elle-même : le sommet de la montagne retient les nuages qui accourent à travers l’Océan, poussés par les vents d’ouest ; ils se répandent sur Saint-George en pluies fécondantes. Son territoire, ainsi fertilisé, nourrit de nombreux bestiaux et fournit de bœufs et d’ignames Fayal, Terceire et toutes les Açores. Sur le haut, dans les fentes des rochers, partout où il y a quelque vestige de terre, des herbes parasites et des plantes grimpantes poussent avec profusion, et de cet amas de verdure s’échappent des ruisseaux qui tombent et se précipitent en cascades dans la mer.

Le détroit du Pic et de Saint-George est très dangereux pour la navigation ; la mer brise avec une violence égale sur les deux rives ;