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de valoir au fond beaucoup mieux qu’eux. Il est curieux d’entendre l’habitant de Saint-Michel dire avec sa feinte humilité : « Je ne suis jamais sorti de ma petite île, je ne sais pas comment vont les choses sur le continent, mais il me semble qu’ici tout se passe fort bien ! » Le fait est qu’à l’abri des commotions politiques qui ont désolé la métropole, ces nobles, d’une race peu illustrée, mènent une vie fort douce, et jouissent d’un bien-être depuis long-temps inconnu au Portugal. Leur luxe discordant ne manque pas de magnificence. Les maisons ont assez grand air ; les salons de réception sont vastes ; d’épais rideaux de soie tranchent sur les maigres et longs canapés de jonc. Les grands ramages et les franges pendantes font un peu oublier la nudité de l’appartement. Au milieu d’immenses chambres à coucher toutes dégarnies, s’élèvent de riches baldaquins, et les draps et les oreillers sont bordés de dentelles. Partout on voit de lourds plateaux d’argent ciselé, et quelques personnes ont des services entiers de vaisselle plate. Quant au paysan, il manque de beaucoup d’objets qui seraient indispensables au plus pauvre habitant de nos campagnes. Les murs intérieurs de sa chaumière, si jolie et si proprette au dehors, sont entièrement nus ; les fenêtres sans vitres laissent passer le vent ; il ne possède pas même un lit, mais la famille entière s’étend avec volupté sur une natte de joncs, elle respire un air embaumé. Le climat supplée à tout, et nulle part je n’ai vu une population de meilleure apparence. Cette tiède atmosphère engourdit voluptueusement les sens en réveillant les facultés sensibles de l’ame. Je voudrais envoyer respirer un air si doux et si balsamique à toutes ces personnes chagrines, qui jugent leur prochain avec sévérité, et n’ont pas plus d’indulgence pour les fautes du cœur que de commisération pour ses peines.

L’amour, quand il n’est pas la plus sérieuse des choses de ce monde, est la plus amusante ; aucune de ses formes n’est indifférente ; ses fantaisies nous charment, et ses mille détails nous captivent. Aussi, en arrivant dans un pays méridional, étais-je fort empressé de connaître la vérité sur ce que se plaisent à raconter tant d’auteurs dans le genre espagnol, et, à ma grande surprise, je trouvai que les apparences étaient à peu près telles qu’ils les dépeignent ; mais leur exactitude s’arrête à la description du matériel de l’amour, ils blessent la réalité des sentimens, et donnent sur les femmes du Midi des idées bien étranges. Sans doute, il est une coquetterie que les Françaises ne savent pas, et qui a besoin, pour éclore, de la chaleur du soleil. Coquetterie pour coquetterie, celle-là en vaut bien