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n’était l’éclat du ciel et la vigueur de la végétation, on dirait une gorge des Alpes. Ce lieu, appelé Furnas, jouit dans Saint-Michel d’une juste réputation. Il est rempli de sources sulfureuses si abondantes, qu’elles forment un ruisseau qui s’échappe par une gorge pour se jeter dans la mer, et mérite son nom de la Rivière Chaude. Le sol est partout couvert de soufre ; souvent il brûle les pieds, et la chaleur des eaux sulfureuses est si grande, que plusieurs d’entre les sources servent aux habitans à faire cuire leurs ignames. Auprès de ces eaux sulfureuses coulent des ruisseaux ferrugineux, et tout à côté une source, dont l’eau a la saveur de l’eau de Seltz, se répand en cascades. Le chemin pour aller aux Furnas est on ne peut plus agréable ; il suit pendant cinq lieues, jusqu’à la petite ville de Villa Franca, le rivage méridional de l’île, tantôt tournant des écueils, tantôt se rapprochant de la mer. Cette côte est semée de ces petites maisons blanches dont j’ai déjà parlé ; elles se déroulent en gracieux chapelets, se réunissent en hameaux, et forment des villages que sépare une admirable culture. Après Villa-Franca, on commence à gravir la montagne inculte, et l’on parcourt pendant quatre heures des bois agrestes jusqu’au moment où la vallée, avec sa riche verdure, s’ouvre devant vous. À l’autre extrémité de l’île, à onze lieues de Punta del Gada, on rencontre des sites à peu près semblables à ceux des Furnas ; mais la nature est là plus sauvage, les montagnes sont plus escarpées, et leurs flancs défendent des lacs profonds contre les invasions de l’Océan. Les chemins sont si mauvais et les côtes si raides, qu’il n’y a pas moyen de faire ces courses autrement que sur des ânes ; ceux de Saint-Michel sont grands et forts, et cette modeste monture, bien qu’elle soit sans selle ni bride, n’est pas, à tout prendre, trop désagréable. On s’assied de côté sur une espèce de bât, les jambes pendantes, et libre de tout souci. Un petit garçon, avec un bâton muni d’un aiguillon, conduit votre bête et l’anime par ses cris répétés ; l’âne et l’enfant peuvent ainsi courir cinq à six lieues sans s’arrêter, et on irait passablement son chemin, si tout le long de la route votre guide n’apprenait, à ceux qu’il rencontre, que ce seigneur qui est là sur son âne est un étranger, un Français, qui veut toujours aller au galop.

Le territoire de Saint-Michel, ainsi que celui de toutes les Açores, se partage en deux zones bien distinctes. Le rivage est fertile et peuplé ; tout ce qui s’éloigne de la mer est aride et montueux. Il est cependant quelques lieux intermédiaires coupés de vallons qui offrent un aspect véritablement enchanteur. De ces points seulement on