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une poutre en revenant des funérailles de son père. Il ne restait plus qu’un fils supposé de Runjet-Singh : l’intérêt de l’Angleterre était de le maintenir sur le trône et de s’en faire un ami, l’empire de Runjet se démembrait rapidement, les chefs se rendaient indépendans et levaient des armées particulières, et Shere-Singh demandait le secours de lord Auckland ; mais le Caboul et la Chine réclamaient toutes les forces de l’Inde. Cependant, comme la sécurité des Anglais dans le Caboul dépend de l’amitié du Punjaub, qui sert de passage, il est probable que le gouvernement de l’Inde interviendra.

Le Nepaul, qui est au nord-est de l’Inde et qui touche au Punjab et à la Chine, est incessamment en révolte. Les Anglais, après la dernière guerre qu’ils ont portée dans le pays, ont commis la faute de laisser debout toutes les forteresses : ils ont permis par un traité au souverain du Nepaul d’entretenir une armée de quinze mille hommes ; mais celui-ci en entretient trois qui servent par rotation, ce qui lui fait une armée de quarante-cinq mille hommes toujours prête pour l’invasion. Du côté du vaste empire des Birmans, le gouvernement de l’Inde est en alarme perpétuelle. On annonce toujours que l’empereur Tharavadie va descendre sur l’Inde avec des armées fabuleuses, et, il y a peu de mois encore, l’Angleterre préparait une expédition contre lui. Tous ces ennemis n’attendent qu’un signal pour éclater ; les Anglais vivent au milieu d’eux comme ces hommes qui vivent au milieu des bêtes féroces et qui les domptent, dit-on, par la puissance et la fixité de leur regard. Toutefois ce n’est pas là qu’est le plus grand danger de l’Angleterre ; il est dans cette fatalité qui semble la condamner à s’étendre toujours. Elle s’épuise par une dilatation sans but et sans limites ; de même qu’au dedans elle succombe sous la production effrénée de son industrie, au dehors ses bras fléchissent sous le poids de ces conquêtes mortelles vers lesquelles elle est irrésistiblement entraînée.


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La chambre, l’Université, le pays, viennent de faire une perte douloureuse. M. Jouffroy a été enlevé dans la force de l’âge et dans la maturité de son beau talent. Ce qu’il avait déjà fait pour la science n’était, pour un esprit aussi étendu et aussi pénétrant, que la préparation et la promesse de plus vastes et plus profondes recherches. La Revue a perdu dans M. Jouffroy un collaborateur éminent. Nous rendrons un dernier hommage à sa mémoire par une appréciation détaillée de ses travaux philosophiques.


V. De Mars.