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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

malentendu elle est devenue l’effort exclusif de la révolte, et l’avortement du coup de main de Madrid a tout arrêté sur les autres points.

Ce serait fermer les yeux à l’évidence que de nier la conséquence naturelle d’un échec aussi grave. La lutte intestine qui travaille le gouvernement espagnol depuis son origine en a été suspendue, et c’est ce qui pouvait arriver de plus heureux à ce gouvernement. Depuis qu’ils avaient été réunis par les Anglais dans un but commun de renversement, les deux principes vainqueurs en septembre tendaient à se séparer. Après s’être servis du duc pour chasser la reine, les meneurs exaltés avaient commencé à lui faire la guerre le lendemain même de la révolution de septembre. On se rappelle ce qui faillit arriver lors de la discussion sur la régence. Les ennemis d’Espartero voulaient une régence triple, et la veille du vote, malgré tout ce qu’on avait pu faire, ils étaient en majorité. C’en était fait sans la défection de vingt-deux sénateurs modérés, qui, par des motifs de crainte personnelle et contre l’opinion unanime de leur parti, qui avait résolu de s’abstenir, donnèrent, au dernier moment, à la régence unique, une majorité de huit voix. Ce que la faiblesse de quelques membres du parti modéré avait fait en cette occasion en faveur d’Espartero, l’imprudence de quelques autres l’a fait plus tard. Les républicains, un moment contenus par le vote sur la régence unique, avaient repris leur travail contre l’autorité du régent, et le poursuivaient avec ardeur. Après la vaine tentative de Diego Léon, le sentiment d’un danger commun a réuni de nouveau tous les septembristes. La lutte n’est pas finie cependant ; elle a même recommencé déjà ; ces diverses suspensions n’ont fait que la ralentir.

L’heureux concours de circonstances, qui a jusqu’ici prolongé cette situation, n’a donc rien changé au fond des choses. Le gouvernement ne cesse pas de louvoyer entre les exigences des anarchistes et celles de tout ordre régulier. De là des indécisions qui sont toujours les mêmes, une impuissance radicale qui n’a pas diminué. Il dure, mais à la condition qu’il ne fera rien. Le seul point qui soit fixe pour lui, c’est l’opposition à la France, il trahit par là son origine étrangère. Quant à ce qui est de l’administration intérieure, il sait moins ce qu’il veut, et c’est en effet ce qui importe le moins à ses patrons. Pour satisfaire les exigences des révolutionnaires purs, il avait proposé un projet de constitution civile du clergé assez semblable à celle qui avait été décrétée en France, car on n’est pas très inventif en Espagne, et pendant que le régent copie les discours du premier consul, ses ministres copient les mesures de nos assemblées politiques. L’opposition qu’on a rencontrée, même dans une portion notable du parti dominant, a fait, dit-on, abandonner ce projet. Une autre fois, des symptômes de résistance dans les ayuntamientos avaient fait naître l’idée de présenter aux cortès une loi municipale conforme en tout à celle dont l’adoption a fait renverser la reine Christine. On a reculé devant une palinodie aussi scandaleuse. La seule mesure qu’on ait réalisée est le licenciement d’une moitié de l’armée, et cette mesure, qui était inévitable dans l’état des finances, peut passer pour une faute, car elle est un affaiblissement pour Espartero.