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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Il faut pourtant bien que la vérité se fasse jour une fois pour toutes. Le fait est que, depuis sept ans environ, la France n’a exercé absolument aucune action sur l’Espagne. Dans les premières années de la régence de la reine Christine, il y a eu de la part de notre gouvernement quelques conseils donnés ; ces conseils n’ont pas été étrangers à la promulgation de l’estatuto real et à l’établissement du gouvernement représentatif. Depuis le ministère de M. de Toreno, les avis même ont cessé. On s’est borné à quelques secours pour l’extinction de la guerre civile, d’après la lettre stricte du traité de la quadruple alliance, et pour tout ce qui touche la direction des affaires intérieures du pays, notre gouvernement a suivi dans toute sa rigueur la politique de non-intervention qu’on lui recommande aujourd’hui si chaudement. À notre avis, ce fut un tort. C’est pendant ce temps que l’influence anglaise a grandi à mesure que la nôtre se retirait. Le parti qui s’était appuyé sur nous et que nous avons livré à lui-même a perdu successivement toutes ses positions, tandis que le parti contraire, activement soutenu par l’Angleterre, gagnait de plus en plus du terrain. Enfin l’expulsion de la reine Christine est venue proclamer la défaite de nos anciens amis, sans que nous ayons rien fait pour empêcher cette catastrophe.

Depuis que la reine est exilée, la même politique a été suivie. L’hospitalité de la France a été accordée à la veuve de Ferdinand VII et aux nombreux proscrits qui l’accompagnent : voilà tout ce que la France a fait pour cette cause. On a voulu, dans notre chambre des députés, accuser le ministère français d’avoir tenté d’agir en Espagne ; on n’a fait que préparer un facile triomphe à M. le ministre des affaires étrangères, qui a coupé court à la discussion en démontrant qu’il n’en était rien. Depuis, de nouveaux témoignages sont venus confirmer ces déclarations de notre gouvernement. Écoutez les ministres anglais ; ils s’empressent de reconnaître que la France ne se mêle en aucune façon des affaires d’Espagne. Écoutez les ministres espagnols eux-mêmes ; ils sont forcés de faire le même aveu. Non-seulement la France ne s’est pas montrée hostile au gouvernement d’Espartero, mais elle lui a fait des avances ; elle lui a envoyé un ambassadeur. Ce n’est pas sa faute si le régent n’a pas voulu recevoir cet ambassadeur suivant les règles du droit des gens et les formes usitées dans toutes les monarchies du monde. Les instructions qu’avait reçues M. de Salvandy ne sont aujourd’hui douteuses pour personne ; il apportait à la régence la reconnaissance officielle de la France. Est-là une preuve d’hostilité ?

D’un autre côté, le refus de recevoir notre ambassadeur n’est pas la seule preuve d’animadversion que la France ait reçue du gouvernement actuel de l’Espagne. Ce gouvernement, qui est né au bruit des cris de mort contre les Français, est resté fidèle à son origine. Il ne se passe pas de jour où, dans ses journaux et dans ses assemblées, la France ne soit insultée. On a vu les déclamations absurdes d’un membre du sénat fort connu par ses rapports avec la légation anglaise, contre notre pays. À Valence, un capitaine-général à bu publiquement, dans un banquet patriotique, à la mort du roi des Fran-