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Pour obtenir la délivrance de son neveu, et sans doute aussi dans la crainte de voir les Russes se tourner contre lui, Tevkel écrivit au czar pour lui faire sa soumission et celle de son peuple. Voilà l’origine première du droit de la Russie sur les hordes kazaks. Elle prit au sérieux ces protestations d’obéissance au moment même où la vanité lui en était démontrée par les inquiétudes que ses prétendus sujets donnaient à ses nouvelles colonies sibériennes. En revanche, le pays limitrophe de l’Oural faisait quelque commerce avec les tribus les plus voisines et travaillait, pour ainsi dire, à les façonner au joug qui devait finir par peser sur elles.

Au commencement du XVIIe siècle, les Kazaks se rendirent maîtres de la ville de Turkhestan, où plusieurs de leurs chefs fixèrent successivement leur résidence. L’un d’eux, le khan Tiavka, dont le nom rappelle encore aujourd’hui aux habitans des steppes l’âge d’or de leur histoire, sut se faire respecter des grande, moyenne et petite hordes, qui forment la nation kirghize, sans qu’il soit possible de deviner l’origine et le motif de cette division d’un même peuple en trois branches distinctes. Tiavka se livra à quelques essais de civilisation qui furent arrêtés à sa mort, et dont les traces ne tardèrent pas à être effacées par de nouvelles guerres. Les Zungars, chassés des terres qu’ils occupaient en Chine, vinrent porter le trouble et l’effroi dans les steppes ; ils s’emparèrent du Turkhestan et subjuguèrent la grande horde, qui depuis lors demeura moins nombreuse et beaucoup moins importante que les deux autres. Le reste de la nation eut aussi à souffrir des attaques des mêmes ennemis et de celles des Kalmouks du Volga et des Bachirs. Dans leur détresse, les Kirghiz-Kazaks recoururent à la Russie, qui, grace à l’influence du génie créateur de Pierre Ier, se préparait à des destinées nouvelles et glorieuses par l’accomplissement d’un grand travail intérieur.

Tout occupé de la réforme de ses sujets et de sa lutte avec la Suède, Pierre-le-Grand ne pouvait prendre une part bien active aux affaires de l’Asie, mais son regard profond mesurait l’avenir. Il comprit quels avantages politiques et commerciaux étaient attachés à la possession des steppes, et il résolut de les procurer un jour à sa patrie. Pour y parvenir, il entretint des relations avec les chefs des hordes, et il est permis de supposer que son habile politique contribua puissamment à faire naître les graves évènemens qui se passèrent de ce côté après sa mort.

En 1730, les Kalmouks, les Cosaques de l’Oural et les Zungars, plus forts et plus hardis que jamais, se pressaient en foule autour du pays