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PROGRÈS DE LA RUSSIE DANS L’ASIE CENTRLE.

la Chine et le Caboul, n’aurait plus qu’un pas à faire pour étendre son commerce jusque dans les factoreries de l’Inde anglaise. On comprend donc aisément toute l’importance qu’elle doit attacher à la possession de ce khannat, et tôt ou tard sans doute elle tentera de nouveaux efforts pour se la procurer.

Les négocians de Novogorod, de Moscou et d’Astrakhan sont encore obligés de livrer leurs opérations avec Khôkhan et Boukhara à tous les risques du désert. Cependant, en 1838, le commerce russe s’est montré assez actif sur ces divers points. Le chiffre de ses importations a été de 10,030,513 fr., et celui des exportations de 6,794,906 fr.

Le cabinet de Saint-Pétersbourg a plusieurs fois tenté de nouer avec ces pays des relations plus directes, et en 1820 notamment, M. de Négri fut envoyé à Boukhara par l’empereur Alexandre. Son ambassade était une petite armée composée de deux cents Cosaques, de deux cents fantassins, d’un corps de cavaliers bachirs et même d’un train d’artillerie. Cette mission n’eut point de résultats positifs ; elle contribua cependant à donner aux Boukhares une assez haute idée de la puissance de la Russie, et à fournir au gouvernement du czar des renseignemens exacts et précieux sur un pays où les voyageurs ne peuvent pas s’aventurer sans courir les plus grands périls. M. le baron de Meyendorff faisait partie de l’expédition, et il en a été l’historien.

Les principales villes de la Boukharie sont Boukhara, Carchi, Carakoul et Samarcande, où l’on consacre l’avènement du souverain par des cérémonies religieuses. La population de Boukhara, qui, en prenant la moyenne de diverses évaluations, contient environ cent mille ames, forme un singulier mélange d’Arabes, de Kalmouks, d’Afghans, de Tartares et de Juifs. Cette grande ville n’a pas de monumens remarquables, cependant l’architecture de ses mosquées rappelle un peu les élégans dessins du style mauresque. En revanche, les caravanseraïs et les bazars y abondent, mais les produits sortis des mains boukhares sont encore dans l’enfance. Ils consistent en étoffes de coton et de soie, remarquables seulement par l’éclat de leurs couleurs, en armes bizarres, et en une quantité d’objets usuels assez grossiers qui ne peuvent être consommés que dans l’intérieur. Le commerce étranger est beaucoup plus considérable, et à toutes les époques, sous la domination d’Alexandre comme sous celle de Tchingis-Khan et de Timour, le pays que nous appelons aujourd’hui Boukharie a été la place intermédiaire du commerce de la Perse,