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lens dessinateurs et des graveurs d’une incontestable habileté. Dans ce nombre, et comme ayant concouru à l’illustration du texte de M. R. d’Azeglio, nous citerons M. Anderloni, directeur de l’école de gravure de Milan ; MM. Michel Bisi et Samuel Jesi, les continuateurs les plus renommés de Longhi ; le chevalier Lazinio, sous la direction duquel a été publié en Toscane un des plus remarquables ouvrages sur l’Égypte, et enfin MM. Palmieri, Penfolli, Rosaspina, Metalli, Balbi et Toschi, dont nous avons eu occasion d’admirer à Paris les ouvrages si savamment exécutés. Quatre volumes in-folio de cette collection, qui doit en comprendre huit, ont déjà paru. Au point de vue de l’art, ce grand travail est loin d’être sans valeur ; sous le rapport de la perfection typographique, nous le recommanderons comme un modèle à ces éditeurs, par trop dédaigneux de leur propre gloire et de la dignité nationale, qui chez nous ont exploité et dégoûté le public. En Italie, l’éditeur, comme le poète et le savant, ont encore de la conscience ; l’amour-propre du métier leur tient du moins lieu de génie ; chacun d’eux, dans son genre, travaille avec amour et bonne foi. Cette rare probité, qui découle sans doute du sentiment du beau, naturel aux habitans de ce pays si favorisé de la nature, est souvent poussée à un point où par son excès même elle devient un défaut. Si l’assertion qui précède avait besoin d’une preuve, le texte de M. R. d’Azeglio nous la donnerait aussitôt. Le louable désir de bien faire l’a poussé à trop faire : voulant ne rien omettre, il est souvent tombé dans la prolixité et les redites. M. d’Azeglio abuse aussi parfois de l’érudition. Était-il bien nécessaire, en effet, à propos de quelques tableaux des plus obscurs des diverses écoles de l’Italie ou de l’Allemagne, de refaire l’historique de ces écoles ? Cet abus d’érudition, ce désir de montrer à tout propos ce qu’on sait, précipite trop souvent dans le pédantisme les écrivains italiens les plus estimables. À quoi bon citer Pétrarque, Tyrtée, Thompson et Beccaria, à propos d’un tableau de Carlo Dolci ? Et lorsque, dans une page, nous voyons entasser les noms de Velleius Paterculus, d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, de Cratinus, d’Aristophane, de Ménandre, de Philémon, de Platon, d’Aristote, de Gorgias, d’Isocrate, de Démosthènes, de Pacuvius, de Cicéron, de Térence et de vingt autres, nous douterions-nous jamais qu’il fût question d’un tableau de Both d’Italie ? Le régime politique dont jouissent les littérateurs italiens leur laisse le loisir dont nous manquons ; le journalisme ne les absorbe pas comme ailleurs, ils ont du temps de trop, et l’on s’en aperçoit.

La Galerie royale de Turin comprend environ cinq cents tableaux ;