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division. En Chine, les mêmes notions de droit privé prévalent. À la mort du père et de la mère, le fils aîné entre en possession de tous les biens et de la puissance paternelle sur les frères. Cependant ces derniers sont libres de se séparer ou de rester dans la maison. En cas de séparation, l’aîné est obligé de leur donner une portion des biens égale à celle qu’il garde pour lui-même. Voilà, ce nous semble, une assez large part faite à la liberté ainsi qu’aux droits des individus, et cependant dans l’Inde, en Chine, dans ces immenses contrées dont l’histoire est si vieille, la civilisation si profonde et si raffinée, le panthéisme est au fond des dogmes et des incarnations. S’imaginer que les progrès que peut faire l’esprit humain dans la généralisation des idées implique nécessairement l’anéantissement du sens et du droit individuel, c’est mentir à l’histoire et à la nature des choses. Plus l’homme, par ses conceptions, étend la sphère du grand tout au sein duquel il se meut, plus il éprouve le besoin de se maintenir libre, individuel et fort, par une réaction qui est une des lois de sa vie morale.

Le communisme n’a donc rien à voir dans les grands systèmes de la philosophie humaine. Et cet incohérent assemblage des aberrations les plus tristes, s’il est réprouvé par la science, ne réveille pas une répugnance moins vive chez les hommes qui ne consultent que le bon sens. Ainsi l’Atelier, qui sert d’organe aux intérêts moraux et matériels des ouvriers, a, dans plusieurs circonstances, accablé les théories communistes de la réprobation la plus énergique. La conscience du peuple s’est soulevée contre d’aussi monstrueuses chimères. Puisque nous avons cité l’Atelier, nous dirons l’impression que nous a laissée la lecture de cette feuille, qui paraît tous les mois depuis plus d’un an. Cette feuille a d’abord le mérite d’être exclusivement rédigée par des ouvriers, par des ouvriers qui n’ont pas la pensée, nous citons leurs expressions, de sortir de l’humble et honorable position qu’ils occupent, et qu’on ne saurait accuser, dans la mission qu’ils se donnent, ni d’ambition ni d’ignorance. À ces ouvriers, des gens de lettres, des journalistes, des écrivains courtisans du peuple, offrirent leur concours ; il fut refusé. Les prolétaires ont voulu seuls tenir la plume, et seuls parler de leurs affaires. C’est bien. Le point de départ était excellent. Des ouvriers laborieux et purs consacrent quelques loisirs, un peu de leur argent et de celui de leurs frères, à publier par mois quelques pages où les intérêts de la classe ouvrière sont exposés et défendus. C’était déjà beaucoup que la prétention littéraire ne vînt pas gâter cet utile et modeste projet, et, si on eût su également se préserver de la passion politique, la publica-