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DE LA LITTÉRATURE DES OUVRIERS.

Le peuple mérite plus de respect et ne doit pas être traité comme un sujet à expériences. Ce n’est pas sur lui qu’il faut essayer des doctrines informes qui ne peuvent séduire que la plus profonde ignorance. Il y a certains docteurs qui, à l’égard du peuple, semblent dire : Faciamus experimentum in anima vili. Apparaît-il à quelques esprits une imagination chimérique, une idée fausse, une théorie folle ; ils les jettent au peuple, et c’est là ce qu’ils appellent le pain des forts. Ainsi on représente le communisme comme ayant peut-être des tendances exagérées, mais comme formant une transition nécessaire entre la vieille civilisation et un âge nouveau, et on traite avec une pitié dédaigneuse les pauvres esprits qui ne comprennent pas cette admirable marche de la Providence.

Il y a dans cette apologie à la fois détournée et téméraire du communisme un bien étrange oubli des premiers principes de la nature et de la sociabilité humaine. Comment le communisme pourrait-il conduire à un ordre politique nouveau, puisqu’il est la négation même des lois qui président à la formation de l’homme social ? Là où l’individualité est méconnue, proscrite, dans ses sentimens, ses pensées et ses droits, comment voulez-vous bâtir une humanité ? Là où le communisme prétend imposer ses maximes, ni l’état ni la famille ne peuvent s’élever. Le plus grand effort du communisme est d’aboutir à quelque secte infime et obscure dont les membres ne tendent pas à se disputer les lambeaux de la chose qu’ils disaient commune.

Le communisme et le panthéisme, nous dit-on, sont liés ensemble comme l’effet à la cause. Quand le panthéisme tend à devenir la philosophie d’un peuple, le communisme ne tarde pas à s’y établir. En vérité, ceux qui dogmatisent ainsi n’ont pu mettre leurs espérances que dans la plus ignorante crédulité de leurs lecteurs. Il y a de grandes nations chez lesquelles, depuis des siècles, le panthéisme est l’ame des systèmes religieux et philosophiques, et dans ces nations tous les droits civils de l’individu et de la famille sont expressément reconnus par les lois. Dans l’Inde, les successions sont déférées aux descendans suivant l’ordre naturel ; à défaut des descendans, la succession passe aux ascendans les plus proches ; à défaut de ces derniers, à la ligne collatérale. La législation contient aussi des dispositions nombreuses sur le partage que peut faire un père à ses fils tant de la propriété qu’il a gagnée par son industrie que de la propriété que lui ont laissée ses ancêtres, et ces dispositions consacrent l’égalité des partages. Enfin nous trouvons dans les lois de l’Inde le principe de notre code civil, que nul ne peut être contraint à demeurer dans l’in-