manqué. Ils terminaient dans leur atelier une statue ou un tableau, et ils l’envoyaient au prince qui les leur avait commandés. Il ne faut donc pas s’étonner si le Piémont, n’ayant jamais été la patrie des artistes, a cependant de fort belles collections de tableaux.
De toutes ces collections, la nouvelle pinacothèque du château, dite la Galerie royale (Reale Galleria), est la plus magnifique ; on y trouve en grand nombre des tableaux des diverses écoles italiennes, des écoles allemandes et françaises, et particulièrement de l’école hollandaise. Avant la formation de ce musée, Lanzi faisait déjà remarquer, à juste titre, que les palais des princes piémontais, que décoraient une foule de médiocres tableaux italiens, renfermaient plus de tableaux flamands du premier ordre qu’aucune autre habitation royale.
Ce sont les meilleurs tableaux disséminés dans ces divers palais et dans les collections de Gênes, qui appartenaient à l’état, qu’on a réunis dans le Castello Reale. Le prince actuel s’est, dans cette occasion, montré vraiment libéral ; il a voulu faire jouir plus facilement la nation des richesses accumulées à la longue par ses ancêtres ; il a généreusement dépouillé ses collections privées, et il a formé la Galerie royale, qu’il a ouverte au public. La Galerie royale prend désormais place au nombre des premières collections européennes du même genre.
On a prétendu qu’en formant ce riche musée, le monarque piémontais s’était proposé un autre but ; qu’il ne voulait pas seulement donner de stériles jouissances au public, qu’il voulait encore ressusciter l’art, présenter à ceux qui le cultivaient un modèle permanent de perfection, et, comme disent messieurs les écrivains piémontais initiés à ses projets, charger ces grands maîtres des vieilles écoles d’un muet et perpétuel enseignement. Nous doutons fort que ce but soit jamais atteint. Nil facies invitâ Minervâ, c’est-à-dire, dans ce style mythologique un peu passé de mode, que la sévère déesse est jalouse de Mars, et qu’elle tourne le dos aux adorateurs de Plutus. Je ne crois guère, pour ma part, à ces végétations artificielles, ou, si l’on aime mieux, à cette puissance du galvanisme appliqué aux arts.
C’est encore la prétention de ressusciter l’art, ou tout au moins d’en être le restaurateur, qui a engagé M. R. d’Azeglio, auteur d’un roman estimé de ses compatriotes, et de tableaux dont quelques-uns ont paru dans nos expositions d’une manière honorable, à publier une description de la Galerie royale de Turin, accompagnée de planches gravées par les meilleurs artistes de l’Italie moderne ; car, si cette terre inépuisable n’a plus de grands peintres, elle a encore d’excel-