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LA SALLE DES PRIX À L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

qui touche, qui intéresse ? comment grouper tous ces personnages ? par quels liens les réunir ? comment donner un sens à leur colloque, et faire planer sur eux une sorte d’idéal qui fasse comprendre que ce sont des ombres et non pas des vivans ? Les difficultés abondent, comme on voit, et nous ne les disons pas toutes. Cherchons à indiquer comment l’artiste s’est proposé d’en triompher.

Un long portique à colonnes d’une élégante simplicité occupe presque tout le fond de la scène. Vers le milieu de cette colonnade, c’est-à-dire au centre de l’hémicycle, on voit dans une sorte d’enfoncement, auquel on monte par des degrés, un banc de marbre sur lequel sont assis deux vieillards, et entre eux un homme dans la force de l’âge. Tous trois ils portent pour vêtement un manteau blanc qui couvre à peine leurs épaules ; leur front est ceint d’une couronne d’or ; leur attitude est calme, majestueuse ; il y a dans leur visage cette sérénité presque divine dont les anciens se servaient pour exprimer l’apothéose.

Quels sont ces trois hommes, ces trois demi-dieux, et que font-ils sur ce tribunal ? Le plus jeune est Apelle, les deux autres Phidias et Ictinus. Apelle, le dernier des grands peintres de la Grèce ; Ictinus, l’architecte du Parthénon, le représentant du grand siècle de l’architecture ; Phidias, le créateur de la sculpture à la fois idéale et vivante, de la plus grande et de la plus vraie des sculptures. Admis au sacré sacerdoce, ces trois génies se reposent dans leur immortalité. Ils sont là comme juges suprêmes et éternels de nos concours. C’est sous leurs yeux, c’est en leur nom, que cette noble et belle fille au teint oriental, au regard bienveillant, ramasse une couronne et se dispose à la lancer au lauréat.

À leurs pieds sont deux jeunes femmes assises de chaque côté des degrés : elles gardent un respectueux silence. L’une, par son profil, rappelle le type grandiose de certaines médailles grecques ; l’autre, le front ceint d’un diadème, a plutôt le caractère des têtes impériales. C’est l’image et la personnification de l’art antique sous ses deux formes les plus saillantes, la forme grecque et la forme romaine, On voit à leur pose calme et impassible que leur œuvre est accomplie. Elles écoutent à peine, et comme un bruit lointain, les noms de nos jeunes vainqueurs que l’écho de la salle apporte à leurs oreilles ; elles n’en détournent pas la tête et semblent comme absorbées dans la contemplation intérieure des merveilles qu’elles ont enfantées.

Mais voici deux autres femmes, qui, debout sur le devant des de-