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« Les soussignés, consuls des puissances alliées de la sublime Porte, s’empressent d’appeler l’attention de son altesse le séraskier-pacha sur les désordres commis en dernier lieu par quelques corps de troupes qui viennent de pénétrer dans cette partie de la Syrie. Le pillage et les violences qu’ils ont exercés sur leur passage, ont répandu la terreur parmi les habitans ; dans plusieurs localités, ces derniers ont eu recours aux armes pour la défense de leurs habitations et de l’honneur de leurs familles ; si une collision sérieuse n’a pas encore éclaté, on ne saurait l’attribuer qu’à la modération et à la prudence des habitans.

« Une nouvelle expédition de troupes irrégulières vient d’arriver à Beyrouth. Les réclamations des soussignés et la sollicitude du gouvernement ont empêché leur entrée en ville. Toutefois les campagnes environnantes sont en proie aux plus vives alarmes. »

On voit le genre de protection que les troupes du sultan donnaient à ses fidèles sujets, et combien la présence de ces soldats ajoutait à la sécurité du pays. La lettre suivante de Constantinople, écrite le 17 octobre 1841 par le correspondant ordinaire du Morning-Chronicle, montrera la part que les Anglais ont prise aux désordres qui affligent encore aujourd’hui la Syrie.

« Les renseignemens défavorables que l’on a reçus de la Syrie ont produit ici une pénible impression. Ils justifient en grande partie les prédictions de ceux qui annonçaient que, si notre gouvernement montrait des préférences pour une tribu plutôt que pour une autre, et si les autorités turques, d’accord avec nos agens, ne faisaient pas tous leurs efforts pour réconcilier entre elles ces populations rivales, il n’en pourrait résulter que l’anarchie et la guerre civile. Mais il paraît que Nezib-Pacha n’a rien omis pour dégoûter à la fois les musulmans et les chrétiens, et que nos agens et particulièrement la mission militaire sous les ordres du lieutenant-colonel Rose, ont suivi une ligne de conduite qui n’est pas moins impolitique. Le résultat est que les tribus de Naplouse et d’autres dans l’intérieur sont ouvertement à l’état de révolte contre le sultan ; que les Druses et les Maronites, qu’il était de notre intérêt de réunir, sont en guerre les uns contre les autres ; que notre influence sur les derniers est complètement annulée ; que les autorités turques et le peuple sont très irrités contre nous, et que le pouvoir du sultan est compromis dans la même proportion… Si nous persistons, il ne nous restera plus qu’à abandonner la Syrie à Méhémet-Ali et à ses partisans. »

Ainsi, les Anglais ont pratiqué en Syrie une politique tellement humaine et tellement habile, qu’ils font regretter la domination de Méhémet-Ali. Eux les alliés du sultan, eux les ministres de sa volonté et les protecteurs de ses droits, ils sont devenus odieux à la population musulmane. Au lieu d’affermir l’autorité de la Porte, ils l’ont