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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

cuté ; et je lui rappelai que, par le traité, Méhémet-Ali avait perdu tout droit à quelque partie que ce fût de la Syrie et même à la possession de l’Égypte.

« M. Guizot paraît croire que le traité de juillet ne doit pas être exécuté, et que la seule chose à considérer est la recherche de la manière de le rompre qui sera la moins désagréable aux parties contractantes. Mais les alliés entendent que le traité soit mis à exécution, et il est par conséquent inutile de discuter le mérite relatif des divers moyens de le mettre de côté.

« Sans doute les cinq puissances qui ont signé le traité verraient avec joie l’accession de la France ; mais on n’aperçoit pas, à la première vue, quelles sont les conséquences dangereuses qui peuvent, ainsi que le dit M. Guizot, résulter pour le monde de ce que la France n’aura pas coopéré à cet arrangement ; il n’est pas plus facile de comprendre en quoi le défaut de concours de la part de la France rendra l’arrangement précaire et exposera la paix de l’Occident. La France peut être tentée, il est vrai, quoique cela ne soit pas à présumer, de s’interposer, pendant que la question est encore pendante, et d’entreprendre, par la force des armes, d’empêcher un arrangement qui est amer (distastefull) pour elle, et calculé pour déjouer ses desseins cachés ; mais quand la France aurait des forces suffisantes pour cette tentative, les assurances réitérées qu’elle a données au sultan ne lui permettraient pas de la faire, aussi long-temps que son gouvernement attachera quelque prix à une réputation de bonne foi. » (Lord Palmerston à lord Granville, 12 novembre.)

Cette dépêche et d’autres du même genre, que j’omets à dessein, furent communiquées à M. Guizot. La réponse du ministre français est rapportée par lord Granville dans les termes suivans[1] :

« M. Guizot me déclara qu’il ne croyait plus pouvoir faire aucune communication ultérieure sur ce sujet au gouvernement de sa majesté, et que le gouvernement français attendrait les évènemens, préparé à tenir la conduite que ces évènemens exigeraient de lui. »

Il y a deux manières de répondre à une note diplomatique qui est une insulte aux sentimens du pouvoir qui la reçoit. On peut relever l’offense avec la susceptibilité légitime de l’orgueil national ; on peut aussi n’y opposer que la brève expression du mépris. Cette dernière conduite a sa dignité, et je croirais volontiers qu’elle est entrée dans les intentions de M. Guizot, si, à côté de cette parole dédaigneuse, on ne trouvait une concession du gouvernement français ; et quelle concession ! le conseil donné par nous au pacha d’Égypte de céder ! Lord Granville dit dans la même dépêche :

« Le prince Metternich appréhende que, dans l’état d’excitation où est la

  1. Lord Granville à lord Palmerston, 16 novembre.