Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/913

Cette page a été validée par deux contributeurs.
909
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

« Le gouvernement de sa majesté considère cette mesure (la déposition) comme un moyen de contrainte employé par le sultan pour obtenir l’assentiment de Méhémet-Ali aux conditions qui lui sont offertes, et il ne paraît pas au gouvernement de sa majesté que cet édit préjuge l’arrangement que le sultan peut être disposé à faire en faveur de Méhémet-Ali, si le pacha retire assez tôt son refus et accepte le traité. »

Mais lord Palmerston ne tarda pas à se remettre de ces scrupules si peu naturels à sa politique. Dans un entretien qu’il eut le 5 octobre avec M. Guizot, il soutint que « le sultan n’avait fait qu’user de son droit de souverain en dépossédant Méhémet-Ali, et qu’il avait agi en cela d’après ses intérêts ainsi que par le conseil des représentans des quatre puissances[1]. » Le 8 octobre, il adressait à lord Granville cette observation qui devait être communiquée à M. Thiers : « Méhémet-Ali étant le sujet du sultan et n’exerçant l’autorité en Égypte que comme le délégué du sultan, on ne voit pas bien sur quel motif la France ou toute autre puissance se fonderait pour prétendre que le sultan ne devait pas exercer à l’égard de Méhémet-Ali le droit qui appartient à tout souverain contre un sujet rebelle, de le destituer de ses fonctions s’il désobéit[2]. »

Enfin lord Palmerston, au moment où l’on délibérait dans le cabinet français sur la note du 8 octobre, écrivait à lord Granville cette dépêche qui est un défi :

« Nous apprenons que deux choses sont en délibération : la première est ce que l’on appelle maintenant une ancônade, la seconde est une déclaration de ce que la France permettra et de ce qu’elle ne permettra pas…

« Quant à la déclaration, si la France nous fait une communication amicale qui conduise à une discussion pacifique de l’état présent des affaires, nous la recevrons et nous y répondrons dans l’esprit dans lequel on l’aura faite ; mais, si la France dit avec hauteur aux quatre puissances qu’elle leur permettra de faire certaines choses pour assister le sultan, et qu’elle ne leur permettra pas de faire certaines autres choses, il est manifeste qu’une telle communication ne peut avoir d’autre effet que de rendre toute réconciliation impossible. Si les choses qu’elle nous défend sont des choses que les quatre puissances aient l’intention de faire, elles les feront malgré cette défense ; alors la France pourra nous attaquer et sera responsable de ce qui arrivera. Si les choses qu’elle nous interdit sont des choses que nous n’ayons pas l’intention de faire, cette interdiction peut lui attirer des répliques où l’on opposera aux menaces un défi ; et quand nous aurons commencé une guerre de mots, nous ne serons

  1. Lord Palmerston à lord Granville, 5 octobre 1840.
  2. Lord Palmerston à lord Granville, 8 octobre 1840.