Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/905

Cette page a été validée par deux contributeurs.
901
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

passé. La flotte britannique sera suffisamment forte pour accomplir la mission dont elle est chargée en conséquence des engagemens pris dans le traité du 15 juillet. »

Ce calme superbe eût annoncé en effet une véritable dignité, si lord Palmerston n’avait puisé que dans le sentiment de la force nationale la confiance qu’il manifestait. Mais il n’en était pas ainsi. Le ministre anglais évitait prudemment de solliciter de nouvelles forces et de nouveaux crédits, de peur d’élargir ce gouffre du déficit dans lequel a fini par disparaître le ministère whig. Cependant il ne négligeait pas, autant qu’il le dit, de se fortifier contre la redoutable éventualité d’une lutte avec la France, car il appelait à son secours les armées ainsi que les flottes de la Russie. On voit, par une dépêche de M. Bloomfield, écrite de Pétersbourg à la date du 21 août, que, sur la demande du cabinet anglais, le gouvernement russe promettait d’envoyer dans l’Asie mineure une expédition composée de vingt mille hommes, de huit cents Cosaques, et de soixante-douze canons. Le 12 septembre, M. Bloomfield écrivait encore :

« Il règne une activité extraordinaire à Cronstadt, l’empereur ayant ordonné qu’une division de la flotte de la Baltique, forte de neuf vaisseaux de ligne et de six frégates (que l’on venait de désarmer), fût disposée pour prendre immédiatement la mer. Cette escadre, ainsi que le comte Nesselrode m’en donne l’assurance, se tiendra prête à coopérer avec l’escadre anglaise dans la Méditerranée, si l’Angleterre a besoin de son concours. »

Le 28 septembre, lord Palmerston exprima au gouvernement russe la satisfaction que lui causait cette nouvelle. Ce grand ministre, si jaloux de l’honneur de la marine anglaise, qu’il ne tolérait pas que la France eût plus de douze vaisseaux en mer, admettait donc la possibilité que la flotte britannique se trouvât, à un moment donné, entre l’escadre russe de la mer Noire, forte de douze vaisseaux de ligne, et l’escadre de la Baltique, qui comptait quinze voiles, dont neuf vaisseaux ! Quel patriotisme ne supposent pas de telles combinaisons ! et comme il faut être brave pour contempler d’un œil serein les préparatifs militaires de la France, quand on a la certitude d’arriver sur le champ de bataille au nombre de quatre contre un !

Le ministère du 1er mars avait suspendu la guerre sur la tête des puissances, et en cela il prenait conseil de nos vrais intérêts autant que de notre honneur. Ce qui étonne, c’est qu’il ait attendu les évènemens de Beyrouth et le firman qui prononçait la déchéance du