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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

constamment écarté toute combinaison qui pouvait amener l’adhésion de la France[1] ; le traité signé, on le verra repousser toute modification qui serait de nature à réconcilier la France avec le principe de cette convention. M. Guizot, devenu ministre, ne sera pas plus ménagé et n’obtiendra pas des conditions plus favorables que M. Thiers. Le parti est pris de rompre avec la France, qu’elle veuille la guerre, ou qu’elle se résigne à la paix.

Une autre partie du plan de lord Palmerston consistait à endormir l’opinion publique en Angleterre sur les dangers qui pouvaient naître du traité. La nation anglaise tenait à la paix, elle n’entendait pas renoncer légèrement à l’alliance de la France ; de là, pour les signataires de cette convention, la nécessité de dérober pendant quelque temps à tous les yeux l’avenir qu’ils préparaient. On disait alors aux amis de la France : « La France ne prend, il est vrai, aucune part au traité, mais les raisons qui l’éloignent de nous sont purement domestiques, et nous espérons qu’elle rentrera bientôt dans le concert européen. » On disait aux ennemis de la France : « La France est mécontente ; elle arme, mais c’est pour apaiser les clameurs de sa jeunesse ; elle menace, mais elle ne fera rien. » En un mot, on s’arrangeait pour que les partisans de la paix ne pussent pas prévoir la guerre, et pour qu’ils ne vissent où on les menait que lorsqu’il ne serait plus temps de s’arrêter.

Dans cette politique de roués, le plus grand tour de force est sans contredit le discours que prononça lord Palmerston devant la chambre des communes, quelques jours avant la prorogation du parlement[2]. M. Hume avait demandé au secrétaire d’état des affaires étrangères s’il était vrai que l’Angleterre eût signé, avec la Russie, la Prusse et l’Autriche, une convention dont la France était exclue, et s’il pouvait produire cette convention. L’honorable membre voyait dans un tel fait la résurrection de la sainte-alliance, et il protestait contre le

  1. « L’ouverture de la Syrie viagère me fut faite comme une idée au succès de laquelle les cabinets d’Autriche et de Prusse s’emploieraient activement, si on pouvait compter sur l’adhésion de la France ; c’était à cette condition, avec cet engagement que l’Autriche et la Prusse laissaient espérer qu’elles pèseraient sur lord Palmerston pour le décider…

    « L’honorable M. Thiers m’a demandé hier si je croyais, si j’avais cru qu’on obtînt jamais de lord Palmerston la concession de la Syrie viagère. Comme je suis monté ici pour dire la vérité, je dirai que je ne le crois pas. » (Discours de M. Guizot, séance du 26 novembre 1840.)

  2. Séance du 7 août 1840.