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REVUE. — CHRONIQUE.

misères de la patrie toucheraient une fois le cœur des confédérés. Il est à craindre, si les deux partis se trouvent face à face et que l’un d’eux puisse décidément compter sur la victoire, que les discussions politiques ne dégénèrent en guerre civile. Suffira-t-il d’un arrêté de la diète pour que le parti vaincu, quel qu’il soit, sarnien ou radical, accepte sa pleine défaite ? hélas ! comment le croire !

Quant au canton de Genève lui-même, l’expérience nous dira si la bourgeoisie de la ville qui a fait ou laissé faire la révolution, en a bien pesé toutes les conséquences. Il n’y a eu jusqu’ici à Genève qu’un seul collége électoral, qui se réunissait au chef-lieu du canton, et nommait chaque année trente députés au scrutin de liste. Les communes de la campagne réclameront sans doute la représentation locale, proportionnée à la population. Ces communes forment à peu près la moitié de la population du canton, et cette moitié se compose pour les trois cinquièmes de catholiques. La bourgeoisie de Genève pourrait bien un jour s’apercevoir qu’elle a fait une révolution contre elle-même.

On parle toujours des négociations commerciales entre la France et la Belgique ; nous ne répéterons pas ce que nous avons déjà dit plusieurs fois, que la question n’est pas seulement commerciale, mais politique, et à la fois de politique intérieure et extérieure. La question purement économique ne demande, pour être résolue, qu’une étude attentive des faits, et si la Belgique qui étouffe et qui a un besoin si urgent de débouchés qu’elle va faire un essai fort aventureux de colonisation dans je ne sais quel état de l’Amérique du sud, voulait souscrire aux conditions indispensables d’une association commerciale avec un grand état, on pourrait même lui offrir cette association et comprendre le royaume des Belges dans le giron des douanes françaises. La question politique est fort complexe. Si la politique intérieure impose au gouvernement les ménagemens dont nous avons souvent parlé, il est également vrai que la politique extérieure, que les intérêts et la dignité de la France ne lui permettent pas de fermer complètement l’oreille aux demandes de nos voisins. Le désespoir est un mauvais conseiller, et les Belges n’ont, à aucune époque de leur histoire, été inaccessibles aux mauvais conseils. La Belgique couvre notre gauche comme la Suisse couvre notre droite. Nous ne pouvons pas permettre que, sous une forme quelconque, des influences hostiles à la France s’établissent dans ces deux pays. Quelle que soit la décision du gouvernement et des chambres sur cette grave question, il importe qu’elle soit promptement résolue. L’incertitude paralyse les entreprises, arrête les capitaux, inquiète les producteurs des deux pays. L’industrie et le commerce ont besoin de pouvoir compter sur l’avenir.

C’est là une vérité banale que M. le ministre du commerce, entre autres, devrait se rappeler plus souvent. Il ne suffit pas de passer sa vie à regarder ; il faut conclure. Mais comment conclure lorsqu’on cherche ses décisions, non dans l’étude des principes et des faits, mais dans l’urne de la chambre des députés ? À coup sûr, nul ne reprochera à nos hommes d’état d’agir à priori.