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DE LA GUERRE SOCIALE.

dans le détail. En se servant de ces termes abstraits sous lesquels se glissent si aisément des idées toutes modernes, on n’arrive à rien de véritablement satisfaisant pour les esprits investigateurs ; on ne fait qu’irriter leur curiosité, comme en leur posant le problème. M. Mérimée s’y est attaché et nous semble l’avoir résolu autant qu’il pouvait l’être. Bien des pièces de conviction manquent en effet : les livres de Tite-Live offrent une lacune à cet endroit, les commentaires de Sylla ont péri. Et puis Rome rougissait de cette plaie au sein qui lui fut faite au plus fort de sa puissance, et ses historiens ont l’air de s’être entendus pour l’embrouiller et pour la couvrir. S’emparant de tous les témoignages qui leur sont échappés, les contrôlant réciproquement, les complétant, lorsqu’il le faut, par des inductions brèves, M. Mérimée, sans phrases, sans système, avec ce sentiment continu de la réalité et ce besoin qu’il a en tout de s’expliquer les choses comme elles se sont passées, nous a donné un récit instructif, enchaîné, attachant, et qui jette, chemin faisant, la plus grande clarté sur l’ensemble de l’organisation romaine.

Quand je dis qu’il nous l’a donné, je vais un peu loin pourtant : l’ouvrage (lit-on dans un avis qui précède), tiré à un petit nombre d’exemplaires, n’est pas destiné au public. L’auteur n’aurait voulu véritablement que faire épreuve de son application historique, et la soumettre aux personnes compétentes. Je conçois cela pour le mémoire sur les médailles italiotes qui forme appendice ; il y a là matière toute spéciale et demi-grimoire ; mais, pour le récit, pour le corps même du volume, dussé-je parler par anticipation d’une seconde édition, je persiste à en juger d’après l’effet éprouvé, c’est à tout le public que l’excellent Essai s’adresse, c’est à travers tout ce public qu’il ira çà et là découvrir son juge entre cent lecteurs.

Nous n’en pouvons parler qu’à titre de lecteur que ces questions, et la façon dont elles sont ici traitées, intéressent. Dès le début, l’historien analyse et expose la condition diverse des divers peuples d’Italie soumis à la domination romaine, les Latins les plus favorisés, les Italiotes : quelque différence de régime qui parût d’abord entre ces peuples de la péninsule et les étrangers proprement dits ou barbares, leur liberté se réduisait au fond à une satisfaction d’amour-propre accordée à des vaincus, tandis que la toute-puissance restait en réalité au peuple conquérant. Les causes complexes, qui, après les grandes guerres d’Annibal, rendaient la situation de l’Italiote de plus en plus précaire et pénible, à mesure qu’au contraire celle du citoyen romain s’élevait et visait au roi, sont très bien démêlées et