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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

se reposer sur quelqu’un de l’exécution de ses volontés : peut-être craint-il qu’on ne rapporte à d’autres le bien qu’il veut faire, peut-être le souvenir de l’empire que les favoris exerçaient sous le règne de ses prédécesseurs a-t-il frappé son imagination. Quoi qu’il en soit, il est clair que la plupart de ses ministres ne sont pas pour lui des personnages sérieux, et il ne lui déplaît pas qu’on s’en aperçoive. Des agens subalternes, trop bas placés pour oser s’attribuer l’influence qu’ils possèdent réellement, ou qu’on leur suppose, et qui la perdraient même s’ils venaient à l’afficher, s’entremettent dans les affaires de l’état. Il en résulte, dans les décisions intérieures du gouvernement napolitain, et jusque dans ses rapports avec les puissances étrangères, une confusion, des tâtonnemens et des contradictions, qui nuisent malheureusement autant à ses intérêts qu’à sa dignité.

Nous n’avons caché ni le bien ni le mal, ni le fort ni le faible du royaume de Naples. Ce n’est point le mieux gouverné des états d’Italie ; c’est peut-être celui qui laisse le plus à désirer sous les rapports essentiels de la régularité dans les grandes affaires, de l’ordre, et d’une certaine gravité. Cependant ces inconvéniens sont plus que balancés par le bonheur qu’il a eu de conserver des formes administratives qui n’ont rien à envier aux états les plus civilisés et les derniers constitués de l’Europe. Ces formes ont déjà, presqu’à elles seules, porté d’heureux fruits. Elles sont pour Naples une sauvegarde contre des révolutions intérieures, elles portent en elles le gage et les espérances de l’avenir. Il semble que tout danger ne soit pas passé pour les autres gouvernemens italiens, et qu’il y ait pour eux quelque autre crise à subir. On sent qu’à Naples le plus difficile est fait, que le jour où un désir sérieux de réformes s’emparera du roi et de ses ministres, ce jour-là tout sera achevé presque aussitôt que commencé. Il n’y aurait effectivement rien d’important à changer ; le pouvoir du chef de l’état, loin d’être ébranlé, n’en serait que plus raffermi, se trouvant désormais plus en harmonie avec les institutions dont il est dès à présent entouré.

Nous aurions oublié un des traits les plus saillans de la physionomie du royaume de Naples et qui fait autant d’honneur au maître qu’aux sujets, si nous ne parlions de la liberté dont y jouissent la conversation et les jugemens de la société. Dans le reste des états de l’Italie, il y a une foule de questions sur lesquelles un étranger serait mal venu à ouvrir la bouche, des confidences que l’amitié elle-même n’ose recevoir ; à Naples, on parle sur les affaires publiques sans dis-