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personnes et des propriétés, il faut avouer qu’il n’a pas été beaucoup au-delà. Les charges publiques n’y sont point heureusement réparties. L’armée occupe une place et se maintient sur un pied qui répondent plus aux goûts personnels du monarque qu’aux besoins de l’état. Il y a quelque exagération, certainement beaucoup de prodigalité, à entretenir tant de forces militaires dans un pays dont les populations sont attachées à leurs princes, et qui n’a à craindre que les agressions du pape. L’armée navale, voilà où devraient se porter l’attention et tous les soins du gouvernement ; voilà où est l’avenir de sa puissance, et cependant, quoiqu’un des jeunes frères du roi soit à sa tête, elle est assez abandonnée et n’obtient qu’une faible part des sacrifices qu’elle réclame. Le fisc napolitain est très avide ; mais, au lieu de demander ses profits à la multiplication des échanges avec l’étranger qui lui prendrait les beaux produits de son sol, il va les chercher dans l’augmentation de tarifs déjà très onéreux, de sorte qu’on voyait récemment à Naples ce phénomène extraordinaire d’un acquéreur de la ferme des douanes prêchant lui-même la modération des droits mis sur les marchandises étrangères. La Sicile enfin, ce précieux joyau de la couronne de Naples, est gouvernée comme un pays conquis. Cette terre, qui les a reçus pendant les dix années de leur adversité, est traitée aujourd’hui par ses maîtres comme si elle avait démérité d’eux, soit qu’on ait oublié les promesses qui lui avaient été faites, soit qu’on recule effrayé devant la grandeur des maux qu’il s’agit de guérir.

Dans les cadres d’une administration régulière, beaucoup des inconvéniens du pouvoir absolu subsistent encore à Naples. Des dénominations honnêtes y recouvrent des abus honteux. Tant d’exceptions se font aux règles établies, que peu à peu les exceptions semblent devenir la règle. Les affaires les plus importantes comme les plus indifférentes, et jusqu’aux contestations entre particuliers, peuvent être arbitrairement détournées de leur cours légal et de leur juridiction naturelle pour être portées devant le roi, qui décide par lui-même ou qui nomme des arbitres. Souvent cette voie est la plus prompte et la plus sûre pour le triomphe de la raison et du bon droit, dans un pays où la justice n’a pas acquis des allures bien fixes ; mais que d’abus et que d’erreurs probables ou seulement possibles avec un roi jeune encore, et qui a une certaine confiance en lui-même parce qu’il se sent honnête et animé de bonnes intentions ! Le roi Ferdinand est actif, il aime l’exercice du pouvoir ; mais en même temps il craint de