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neur au général qui y commanda six ans les troupes françaises, si notre première révolution surtout n’avait pas épuisé à l’avance tous les griefs que Rome pouvait avoir contre nous, il eût été à craindre de voir éclater une rupture dont on ne peut présumer les conséquences. Ce premier danger passé, grace, il faut le dire, à la sagesse des deux cabinets, les rapports avec le saint-siége devinrent meilleurs. Nous étions dans la position la plus souhaitable pour traiter avec Rome ; point hostiles, et point dépendans. Le pape se plaisait à rendre justice au clergé français, le plus pauvre de la chrétienté, le plus exemplaire, le plus attaché à ses devoirs. Nous étions toujours la plus puissante des nations catholiques, celle qui pouvait le plus, si elle le voulait encore, pour les intérêts religieux de l’église. Il faut avoir voyagé en Orient pour être bien au fait des liens que l’église romaine y a conservés. Dans les échelles du Levant, la religion catholique est, avant tout, la religion de la France. C’est par notre protection que les établissemens d’ordre religieux, que le culte des populations qui reconnaissent la suprématie du pape y sont respectés. Nous avons là un patronage étendu, qui fait ou pourrait faire une partie de notre force, et qui, exercé dans l’intérêt de l’église romaine, nous assure la bonne volonté du pape. La conquête et l’occupation de l’Algérie, qui a été un véritable affranchissement pour l’Italie, a vivement frappé la cour de Rome ; elle s’en est réjouie comme d’une dernière croisade contre les infidèles. C’est à la France qu’elle a dû, et elle s’en souvient, de pouvoir envoyer de nouveau des évêques en Afrique, vers ces mêmes rivages où ont jadis prêché les Cyprien et les Augustin.

Mais, en Europe aussi, la cour de Rome a besoin de nous. Les récentes révolutions d’Espagne et de Portugal ont rendu difficiles les rapports de ces pays avec la cour de Rome, habituée à y régner autrefois en maîtresse absolue. C’est à nous qu’on a dû, de part et d’autre, de n’avoir pas rompu les derniers liens ; c’est par l’entremise de l’ambassade de France à Rome que l’on traitait et négociait encore, pendant que toutes les communications officielles étaient suspendues. Le Portugal a fait son accord, et dona Maria est maintenant reconnue à Rome. Mais l’Espagne résiste toujours. Nous avons dans ces circonstances une heureuse influence à exercer, de bons conseils et de bons exemples à faire accepter.

On le voit, ce ne sont pas les moyens d’action qui nous manquent à Rome. Je ne crois pas toutefois qu’il fût utile de se mêler, même par