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Modène, d’être rentré en grace avec les chefs de sa maison, et d’avoir pu prétendre de nouveau à la couronne qu’il porte aujourd’hui. On peut se figurer quelles espérances fit naître chez les patriotes piémontais l’avènement au trône de celui qui avait été leur chef, pour lequel ils s’étaient mis en avant, pour qui ils avaient souffert la disgrace, l’exil, la confiscation. On se disait bien qu’après le coup découvert et manqué, le prince avait facilement abandonné ses complices ; on trouvait que sa campagne, entreprise aussitôt après, en volontaire, dans l’armée française chargée d’aller renverser la constitution de l’Espagne, témoignait plus de ses goûts militaires que de la fixité de ses convictions politiques ; on n’ignorait pas non plus que l’illustre conspirateur repenti n’avait reculé devant aucun des sacrifices exigés par le parti triomphant ; mais cette conduite pouvait encore n’avoir été de sa part qu’un calcul habile et le résultat d’une dissimulation profonde, imposée par les circonstances ; l’occasion d’ailleurs était si belle, le rôle si tentant pour quelqu’un qui avait fait ses preuves d’ambition. Il est probable que le nouveau roi pesa toutes les chances : peut-être ne crut-il pas au triomphe en France d’une cause qui avait échoué dans ses mains en Piémont ; peut-être était-il découragé ; peut-être se trouva-t-il trop compromis avec ses nouveaux alliés et contre ses anciens amis. Quoi qu’il en soit, il ne montra que répugnance contre des idées autrefois les siennes. Il oublia qu’il avait dû quelque chose à la France, ou plutôt, nous aimons mieux le croire, il en reporta la reconnaissance entière sur les membres de la famille royale maintenant dépossédée, qui avaient ménagé son rapprochement. C’est à ces motifs sans doute qu’on doit attribuer les secours soigneusement dérobés, mais suffisamment avérés, que les entreprises carlistes, et particulièrement les tentatives de Mme la duchesse de Berry, reçurent de la Sardaigne. Pendant les premières années de notre gouvernement de 1830, nos rapports furent donc assez difficiles et parfois assez aigres avec la cour de Turin. L’Autriche put profiter, avec son habileté ordinaire, de circonstances aussi favorables à son rêve favori de patronage en Italie. Cependant c’était une situation trop peu naturelle pour durer longtemps, que celle qui livrait le Piémont à l’influence exclusive d’une des deux puissances entre lesquelles il est si intéressé et si anciennement habitué à tenir la balance égale. Aussi, au milieu des aigreurs mêmes dont nous parlions tout à l’heure, le cabinet de Turin se vantait-il d’une impartialité qu’il ne pratiquait plus, et son ministre des affaires étrangères citait-il encore avec complaisance les vieilles