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se serait même pas cru indigne non plus de jouir de ces belles formes du gouvernement représentatif qui s’inauguraient chez nous à cette époque. Qu’importaient alors des réformes partielles et mitigées opérées dans le sein et par le fait des nouveaux gouvernemens ? On aurait songé à les accorder, qu’elles eussent été dédaignées ; c’était vers l’étranger, vers un mouvement révolutionnaire venant du dehors, que se portaient les espérances des libéraux italiens. Les évènemens d’Espagne de 1823 parurent leur donner un instant raison ; mais ce furent surtout les journées de juillet 1830 qui agitèrent violemment toute l’Italie. On se rappelle l’effroi des gouvernemens, l’émotion des populations, celle surtout des provinces du nord de l’Italie, qui se traduisit en sérieuses émeutes, aussitôt comprimées par les Autrichiens. Pour moi, je n’hésite pas à le dire, tant que la France, par le seul fait de sa révolution intérieure, était involontairement la cause, d’un côté, d’appréhensions si extrêmes, de l’autre, de si prodigieuses espérances, il n’y avait pas pour elle, par les seuls moyens qu’autorisait la paix, de rôle utile à jouer en Italie. M. Périer, en décidant l’occupation d’Ancône avec cette hardiesse de coup d’œil peu comprise alors, si admirée depuis, prenait, il me semble, la seule mesure que comportaient les circonstances ; il empêchait le fait matériel de l’envahissement des Autrichiens, il protégeait des populations intéressantes contre des réactions trop à craindre ; il réservait enfin, sans l’engager, un avenir dont on a fait depuis trop bon marché.

Mais les circonstances ont changé depuis ces onze dernières années. Nous avons assez prouvé par la marche régulière de notre gouvernement, par la sagesse qui a présidé à nos relations extérieures, que nous n’avions nulle part, en Italie pas plus qu’ailleurs, autorisé les sentimens extrêmes que notre dernière révolution y avait provoqués. Les impressions se calment sur notre compte ; ce qu’elles avaient de fâcheux n’était que transitoire, et s’efface tous les jours. Nous y reprenons insensiblement notre position naturelle ; reprenons donc avec elle et la politique qui lui convient et les justes prétentions qu’elle autorise. Nous n’avons pas à faire de la propagande de l’autre côté des Alpes, nous n’avons pas à y prêcher l’affranchissement soudain et illimité des peuples ; nous ne sommes pas non plus appelés à nous faire les champions des droits absolus des souverains, et à épouser leurs fantaisies et leurs méfiances, s’ils en avaient. Notre rôle est plus beau. Il est tout tracé par la politique que nous avons pratiquée chez nous. Ce rôle, nous pouvons le jouer au dehors, à notre profit et au profit des autres ; personne ne nous le contestera, personne n’en