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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

dangers qui menaçaient déjà la famille royale de France, étaient de nature à inquiéter les anciennes dynasties de la péninsule, et à les dégoûter de leurs velléités libérales. Il ne fut plus question de réformes et d’améliorations. Les populations devinrent même suspectes à leurs gouvernemens pour être demeurées attachées aux opinions que ceux-ci professaient naguère avec éclat. Les soupçons amenèrent les rigueurs, les exils, les persécutions ; en même temps le triomphe des idées révolutionnaires à Paris exaltait les espérances des amateurs d’innovations. Pourquoi les patriotes italiens se seraient-ils contentés d’un moindre succès ? Ainsi, un mouvement d’abord unanime aboutissait à une scission profonde, à d’amères récriminations, chacun se reprochant avec plus de vérité que de bonne foi d’avoir fait manquer le but commun, dont les uns ne se souciaient plus, et que les autres avaient déjà grandement dépassé.

Si j’insiste sur la situation réciproque que les évènemens de cette époque ont faite aux gouvernemens et aux peuples d’Italie, c’est que je crois que cette situation n’est pas profondément modifiée, que la séparation n’est pas entièrement effacée aujourd’hui, que les mêmes maux, provenant des mêmes causes, pèsent encore sur l’Italie, et empêchent le développement de ses destinées futures. En effet, lors de la reconstitution de l’Europe en 1815, aucune transaction ne rapprocha ces souverains, un peu oubliés, qui rentraient alors de leur long exil, et leurs sujets, qui avaient vécu quinze ans sous un régime étranger, régime non point de liberté, tant s’en faut, mais enfin de régulière administration et de parfaite égalité devant la loi. Aucun pacte, comme la charte française, ne vint servir de moyen de transition, de gage de réconciliation entre un passé et un présent si opposés. On se retrouvait face à face avec les anciennes convictions, exagérées et aigries par les malheurs éprouvés. Les cours de Rome, de Naples et de Turin auraient regardé comme un acte d’extrême imprudence de reprendre chacune chez elle la suite des réformes jadis interrompues ; la moindre amélioration aurait presque paru un acte de trahison ; la France, remise aux mains de ses rois légitimes, était encore pour elles la terre suspecte d’où étaient sorties de si épouvantables doctrines ; il n’y avait que dangers à imiter ses exemples. Pour la grande majorité et pour la partie la plus éclairée du public italien, sous quelque jour que fût envisagé le changement de domination, c’était, au contraire, une déchéance blessante que ce retour pur et simple à l’ancien état de choses. On avait goûté la douceur des législations modernes, on s’y était vite attaché ; on ne