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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

privilége d’être admis dans les eaux de Constantinople pour le cas où le pacha menacerait la capitale de l’empire, fut d’abord accueillie par le cabinet anglais. Ainsi que M. Thiers l’a fait observer, c’était reconnaître le traité d’Unkiar-Skelessi, et le placer sous la protection du droit européen. Le gouvernement français s’en émut, et adressa au gouvernement britannique une protestation courageuse qui modifia ses résolutions déjà prêtes, mais sans l’arrêter pour long-temps et sans l’éclairer. Il convient de citer cette dépêche du maréchal Soult, qui a d’ailleurs le mérite d’être une réfutation anticipée des argumens que les amis du ministère actuel ont invoqués pour justifier la convention, du 13 juillet 1841.

« Ce n’est pas sans un étonnement douloureux que nous voyons un homme aussi éclairé que lord Palmerston accueillir avec tant de complaisance un projet tel que celui qui lui a été présenté par M. de Brunnow, un projet qui, au prix d’une vaine et illusoire concession de principe annulée immédiatement en fait par l’acte même qui est censé la consacrer, tend à donner une sanction européenne à la position exceptionnelle que la Russie s’arroge depuis trop long-temps à Constantinople. Accepter, consigner dans une convention formelle la promesse de ne pas renouveler le traité d’Unkiar-Skelessi, contre lequel la France et l’Angleterre ont protesté si expressément il y a six ans, ce serait en quelque sorte annuler cette protestation et reconnaître la validité de l’acte contre lequel elle était dirigée. Proclamer dans cette même convention le principe de la clôture des deux détroits si solennellement consacré par le temps, par le consentement unanime des nations et même par les engagemens écrits, ce ne serait pas lui donner une force nouvelle, ce serait bien plutôt l’affaiblir, en le classant au nombre de ces stipulations accidentelles que les circonstances amènent et qu’elles peuvent emporter. Ce qu’il faut à ce principe incessamment menacé par l’ambition d’une grande puissance, ce sont des garanties qui en assurent l’inviolabilité, ou du moins qui assurent que, lorsqu’il sera absolument nécessaire d’y déroger, cette dérogation ne pourra compro-

    « 3o Minimum du plan d’opération — Déclaration rassurante à Constantinople ; ordre à l’amiral Stopford d’établir la station à l’île de Rhodes ou à celle de Chypre, et d’envoyer un détachement pour croiser sur les côtes de la Syrie ; renvoyer les bâtimens qui portent des munitions de guerre à l’armée d’Égypte ; expédier un officier à Ibrahim pour lui déclarer que, s’il avance, l’Angleterre rendra Méhémet-Ali et toute sa famille responsable des conséquences que pourra entraîner la reprise des hostilités. Même déclaration à Alexandrie.

    « 4o Exécuter toutes ces mesures avec la plus grande promptitude et le plus grand secret. »

    Le maximum de ce plan est encore bien loin des excès que l’Angleterre a commis en Syrie. Cela prouve que lord Palmerston a voulu achever ce que M. de Nesselrode avait commencé.