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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

s’établir. Lorsque l’ambassadeur français venait presser M. de Metternich de s’associer à la demande que la France et l’Angleterre adressaient à la Porte pour obtenir l’entrée des Dardanelles, l’ambassadeur anglais se trouvait sans instructions pour appuyer cette ouverture. De même, quand lord Beauvale insistait pour réclamer, par une démarche commune aux cinq puissances, la restitution de la flotte turque, M. de Saint-Aulaire n’était pas autorisé à se joindre à lui. Enfin, si M. de Metternich, inquiet du mécontentement de la Russie, engageait la France et l’Angleterre à rappeler leurs escadres qui se tenaient dans un état menaçant d’observation à l’entrée des Dardanelles, on lui répondait par un refus.

L’œil se fatigue à suivre, dans ce dédale d’intrigues, les évolutions multipliées de l’Angleterre et de la Russie. Il faut montrer cependant, par un exemple de plus, en quoi consiste l’habileté tant prônée de lord Palmerston et de M. de Nesselrode, et surprendre leur probité politique, pour ainsi dire, la main dans le sac.

Les documens soumis au parlement anglais renferment sept ou huit dépêches de lord Palmerston, toutes écrites pendant le mois d’août 1839, et qui ont pour objet apparent d’organiser la conférence de Vienne. La dernière en date, celle du 25 août, porte à lord Beauvale les pouvoirs les plus étendus ; c’est en quelque sorte une démission que lord Palmerston donne entre les mains de son ambassadeur, et l’on pourrait croire, en la lisant, que le ministre britannique a une foi entière dans la puissance ainsi que dans la durée de ce congrès. Eh bien ! au moment où lord Palmerston écrivait la dépêche du 25 août, il avait déjà reçu et il avait accepté des propositions du gouvernement russe, qui impliquaient la suppression de la conférence, et qui subordonnaient le concert européen à un accord préalable entre l’Angleterre et la Russie. Lord Clanricarde écrit de Saint-Pétersbourg le 26 août :

« M. de Nesselrode m’a montré le rapport de M. de Kisseleff, qui annonce que votre seigneurie a consenti à ce que Vienne cessât d’être (changing from Vienna) le siége des communications et des négociations que les affaires d’Orient pourraient provoquer. »

Cette communication se rattachait à la mission de M. Brunnow, déjà indiquée dans la dépêche que lord Clanricarde adressait à lord Palmerston le 27 août.

« Le comte Nesselrode m’a informé que l’empereur, ayant des raisons de croire que le gouvernement anglais était mieux disposé qu’auparavant à l’égard