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ambassadeur à une démarche qui devait changer sa propre situation ? Les illusions qui avaient dicté la déclaration du 17 juillet, se retrouvent dans la note du 27. On se croyait l’arbitre de l’Europe, on n’en était que l’instrument.

« Les soussignés ont reçu ce matin de leurs gouvernemens respectifs des instructions en vertu desquelles ils ont l’honneur d’informer la sublime Porte que l’accord sur la question d’Orient est assuré entre les cinq grandes puissances, et de l’engager à suspendre toute détermination définitive sans leur concours, en attendant l’effet de l’intérêt qu’elles lui portent.

« Signé : Ponsonby, baron de Sturmer, comte Kœnigsmark,
baron Roussin, A. Bouteneff
. »

Au moment où cette note fut remise à la Porte, elle offrait à Méhémet-Ali l’Égypte héréditaire et la Syrie viagère, conditions qui auraient probablement rendu la paix à l’Orient. « La Porte va céder, » écrivait lord Ponsonby le 26 juillet. Par quelle fatalité a-t-on empêché l’arrangement direct, le seul possible, comme la Russie l’avouait alors ? Il faut citer les propres paroles du maréchal Soult, afin que l’on juge de la fidélité avec laquelle l’amiral Roussin, en commettant une faute aussi capitale, a suivi les instructions de son gouvernement :

« J’ai chargé M. Cochelet de déclarer au vice-roi, dans les termes les plus formels, qu’alors même qu’il arracherait à la détresse de la Porte des conditions incompatibles avec la dignité du sultan ou propres à compromettre l’avenir de l’empire, elles n’obtiendraient pas l’assentiment des puissances européennes, si nécessaire cependant pour donner quelque valeur et quelque solidité à un tel engagement.

« Que la Porte ne se hâte pas de conclure avec Méhémet-Ali ; qu’elle ne fasse rien surtout sans le concours de ses alliés : tels sont les conseils que vous ne devez pas cesser de lui faire entendre, les seuls qui se concilient avec ses intérêts évidens ; et il lui sera d’autant plus facile de les suivre, que le vice-roi, au milieu de toutes ses exigences, annonce pourtant l’intention de ne pas les appuyer par la force des armes. Rien n’oblige donc les ministres du sultan à se hâter.

« Les trois cours (l’Angleterre, l’Autriche et la France) sont unanimes à proclamer la nécessité d’un concert européen pour régler les affaires de l’Orient. La Russie seule, qui avait d’abord paru admettre la convenance de ce concert, cherche maintenant à éluder, sous des prétextes plus ou moins spécieux, les conséquences du principe qu’elle n’ose pas contester directement un statu quo dépourvu de sanction, exposé par conséquent à de nouvelles et promptes vicissitudes, c’est incontestablement ce qui lui convient le mieux en