Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/740

Cette page a été validée par deux contributeurs.
736
REVUE DES DEUX MONDES.

le gouvernement français, qu’il essayait tantôt de compromettre avec la Russie et tantôt d’engager contre l’Égypte. Cette double tentative ayant à peu près échoué, lord Palmerston se tourna vers le nord de l’Europe ; n’étant pas parvenu à resserrer les liens de l’alliance anglo-française, ce ministre songeait dès-lors à la rompre, et cherchait déjà d’autres alliés.

La dépêche qui dessine la politique de l’Angleterre à l’égard de l’Orient, porte la date du 28 juin 1839. Elle est adressée à lord Beauvale, avec injonction de la communiquer à M. de Metternich. Si l’on s’en tient aux apparences, c’est une réponse indirecte aux argumens que M. de Nesselrode a fait valoir en faveur du statu quo. Dans la réalité, c’est une provocation à un rapprochement amical, qui s’adresse à la Russie par l’intermédiaire de l’Autriche. Lord Palmerston signifie visiblement à l’Europe qu’il ne peut pas s’entendre avec le cabinet des Tuileries, et donne rendez-vous aux puissances sur son propre terrain. Cette note veut dire : « Sacrifiez-moi l’Égypte, et je vous sacrifie la France. » La Russie le comprit, et le résultat fut la mission de M. de Brunnow.

Dans sa dépêche du 15 juin à M. Pozzo di Borgo, son ambassadeur à Londres, M. de Nesselrode avait dit :

« Pour mettre d’avance de justes limites à l’action du pacha d’Égypte, il faudrait lui déclarer de la manière la plus formelle que, « tant qu’il se bornerait à la défense des territoires qui lui ont été assignés par l’arrangement de Kutaya, tant qu’il n’étendrait pas ses opérations au-delà des districts de Diarbékir et d’Orfa, ainsi qu’il en a donné aux consuls la promesse formelle, la Grande-Bretagne, d’accord avec les autres puissances de l’Europe, resterait témoin impassible de la lutte qui s’est engagée en Syrie, mais que dès qu’il prendrait l’offensive, dès qu’il étendrait le théâtre de ses opérations au-delà des défilés du Taurus, pour le porter au centre de l’Asie mineure, l’Angleterre considérerait un pareil acte d’hostilité comme s’il était dirigé contre elle-même et agirait dès-lors comme si elle était en guerre ouverte avec le pacha d’Égypte.

« Qu’elle se regarderait de même comme en état de guerre avec lui, s’il essayait de faire sortir sa flotte pour engager avec le sultan une lutte sur mer, l’intention formelle de l’Angleterre étant de renfermer le combat dans les bornes de la Syrie, et de ne permettre sous aucun prétexte qu’il puisse dépasser ces bornes irrévocablement fixées par l’intérêt général de l’Europe, qui veut que la paix de l’Orient soit promptement rétablie, et que la lutte actuelle, quelles que soient les chances de la guerre, ne puisse d’aucune manière mettre en péril la tranquillité de l’empire ottoman.

« Si l’Angleterre s’accordait avec nous pour émettre une déclaration conçue dans ces termes, l’empereur autoriserait son représentant à Alexandrie à se prononcer exactement dans le même sens. »