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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

deux parties ou l’une des deux y renonçait volontairement, et que les difficultés étaient en voie de s’aplanir par un arrangement direct.

Méhémet-Ali a sollicité à plusieurs reprises les gouvernemens de l’Occident de s’entremettre auprès du sultan, pour lui obtenir l’hérédité de ses possessions. Ces ouvertures ont été diversement accueillies. Il paraît cependant que la France et l’Angleterre furent d’abord les seules puissances qui s’occupèrent des projets du pacha dans une vue d’avenir ; la Russie et l’Autriche ne songeaient qu’à prévenir un conflit immédiat entre le sultan et son vassal ; quant à la Prusse, on n’avait pas même demandé à connaître son opinion.

Dès l’origine des négociations, le dissentiment entre la France et l’Angleterre est manifeste. Le gouvernement français ne voulait disposer du sort de l’Égypte que sous la réserve du consentement du pacha ; le gouvernement anglais prétendait imposer au besoin par la force la décision qui serait prise de concert, et cela se comprend, car la France, en réclamant pour les descendans du vice-roi la Syrie et l’Égypte, savait qu’elle s’abandonnait au cours naturel des choses, et l’Angleterre, en excluant la Syrie de cet arrangement, n’ignorait pas qu’elle allait contrarier la tendance bien constatée des évènemens.

Cette dissidence d’opinion, qui devait dissoudre plus tard l’alliance des deux états constitutionnels, fut d’abord une affaire de famille. Jusqu’au ministère du 12 mai, la France et l’Angleterre se promirent de la vider entre elles et de régler d’un commun accord les intérêts de l’Orient. Et plût à Dieu qu’on l’eût fait ! Des sacrifices réciproques auraient moins coûté à l’une et à l’autre que cette rivalité ardente à laquelle l’ambitieuse susceptibilité de lord Palmerston les a pour long-temps condamnées.

Les cours du Nord prirent d’abord peu de part à ces débats. L’Autriche, craignant que le désaccord des deux puissances occidentales ne mît la paix de l’Europe en péril, essaya, bien que timidement, de concilier leurs prétentions ; et comme la politique de la France tendait à rendre le provisoire définitif, M. de Metternich, qui a horreur du changement, se prononça pour la solution française. La Russie avait émis une opinion semblable jusqu’au moment où elle crut entrevoir que le différend prenait de la gravité, et que l’Angleterre se détachait de nous tous les jours. Alors ce qui n’était qu’un incident de la politique européenne en devint la principale affaire. On y apporta autant d’empressement et d’activité que l’on y avait mis d’insouciance et de laisser-aller. On confondit ensemble, pour