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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

ses membres pour attester la diligente sollicitude avec laquelle il avait si souvent proposé de prendre toutes les mesures que réclamait le salut de la république, et, après avoir signalé l’injuste défiance du peuple qui lui attribuait les malheurs publics, quoiqu’il fût, disait-il, un simple serviteur de l’état exécutant les ordres de ses maîtres, il ajouta : « On se déchaîne si furieusement contre moi, que je ne puis juger autre chose, en bonne conscience, sinon que mes services seraient désormais préjudiciables à l’état, puisqu’il suffirait que j’eusse été employé à mettre par écrit les résolutions de vos grandes et nobles puissances pour les rendre désagréables au peuple, qui ne les exécuterait pas avec autant de promptitude qu’il le faudrait pour le bien et l’utilité de la patrie. C’est pourquoi j’ai cru que ce serait faire une chose très avantageuse à l’état que de supplier vos nobles et grandes puissances, comme je les en supplie très humblement, qu’il leur plût d’avoir la bonté de me dispenser de l’exercice de ma charge[1]. »

Sa démission fut acceptée, quoique le collége des nobles et les députés de plusieurs villes ne voulussent pas d’abord y consentir, et on l’appela, selon son désir, à siéger dans le grand conseil[2]. Mais sa renonciation au pouvoir ne désarma point ses ennemis. De plus cruelles épreuves lui étaient encore réservées. Ceux qui voulaient la ruine des de Witt, ayant essayé vainement d’y parvenir à l’aide de l’assassinat, recoururent à un moyen plus odieux encore pour la consommer.

Un chirurgien-barbier, nommé Tichelaar, que Corneille de Witt, en sa qualité de ruard de Putten, avait fait condamner pour crime, l’accusa d’avoir comploté la mort du prince d’Orange. Afin de donner quelque fondement à une accusation aussi invraisemblable, il s’était présenté chez le ruard, avait demandé à lui parler en secret, et avait offert de s’ouvrir à lui sur une affaire importante. Le ruard, connaissant la perversité audacieuse de cet homme, avait évité le piége qui lui était tendu, et avait dit à Tichelaar : « Si vous avez quelque chose d’utile à me découvrir, je suis prêt à vous entendre et à vous seconder ; mais, si c’est une mauvaise affaire, n’en parlez pas, car je la dénoncerais tout de suite à la régence ou à la justice[3]. » Tichelaar

  1. Histoire de Corneille et de Jean de Witt, t. II, p. 473-480. — Samson, Histoire de Guillaume III, t. II, p. 379-383. — Basnage, Annales, t. II, p. 308-309.
  2. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 309.
  3. Lettre de Jean de Witt à Ruyter, dans Basnage, Annales, etc., t. II, p. 299-300.