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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

mains avec les ennemis, et qu’il n’a jamais moins fait paraître d’animosité à l’égard des Français que des Anglais ; que ce fut lui qui, au conseil de guerre, proposa d’attaquer l’ennemi, et qu’il appuya sa proposition de raisons si fortes, que la résolution en fut prise unanimement, qu’il fit voir pendant la bataille une fermeté extraordinaire, et se montra disposé le lendemain à recommencer le combat que n’accepta point la flotte ennemie[1]. » Ce noble personnage suppliait les États de désabuser ceux qui étaient prévenus d’une fausse opinion sur ce sujet. Mais, loin de servir le ruard, il se compromit lui-même auprès d’un peuple passionné, qui ne voulait pas être éclairé sur les hommes qu’il détestait.

Les fougueux partisans du stathouder nourrissaient contre le grand pensionnaire et contre le ruard des ressentimens implacables. Ces ressentimens, provoqués par les souvenirs du passé, étaient entretenus par la défiance de l’avenir. M. de Witt, bien que discrédité, conservait encore la position supérieure qui faisait de lui le premier personnage civil de la république. Ses amis, dont le zèle était alors refroidi par la frayeur, dominaient toujours dans l’assemblée des États, et occupaient les régences des villes. On craignait, dans le parti du stathouder, que les vicissitudes des évènemens et l’inconstance du peuple, si fréquente dans les pays libres, ne le relevassent après l’avoir abattu. On redoutait tout au moins, entre le prince d’Orange et lui, un arrangement qui aurait mis l’inexpérience du stathouder à la merci de l’habileté du grand pensionnaire, et qui aurait privé ses amis des emplois politiques dans lesquels cette réconciliation aurait maintenu ses adversaires.

Le prince d’Orange avait offert en effet à M. de Witt, s’il voulait s’unir à lui, de lui conserver son ancienne autorité et de se conduire par ses conseils. Mais M. de Witt, outre la difficulté qu’il devait trouver à devenir le second dans l’état après avoir été si long-temps le premier, avait compris tous les obstacles qui s’opposaient à une semblable union. Il avait répondu avec un grand bon sens et une noble honnêteté : « Les peuples me haïssent sans que je leur en aie donné aucun sujet. Ces sortes de haines sont ordinairement les plus violentes. Son altesse ne retirerait donc pas de mes services tout l’avantage qu’elle en pourrait attendre. Tout ce qui passerait par mes mains serait suspect, et, quelque précaution que je prisse, on

  1. Cette lettre est du 4 août. Elle est en entier dans Basnage, Annales, etc., t. II, p. 301-302, et dans l’Histoire de Corneille et de Jean de Witt, t. II, p. 501-505.