Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/719

Cette page a été validée par deux contributeurs.
715
GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

renoncèrent à leur entreprise, et rentrèrent dans les ports[1] sans avoir même pu surprendre les navires hollandais qui arrivaient chargés des richesses des Indes orientales, et qui trouvèrent un refuge à l’embouchure de l’Ems[2].

Mais ce qui contribua plus encore que la tempête à sauver la république, fut le ralentissement des opérations militaires causé par l’affaiblissement de l’armée d’invasion. On éprouva alors les fâcheuses conséquences de la faute qu’avait conseillée M. de Louvois en faisant décider qu’on garderait un si grand nombre de places. L’armée, épuisée par plus de cinquante garnisons[3], fut hors d’état de rien entreprendre de sérieux. Turenne, qui était entré dans Nimègue le 9 juillet, s’empara encore le 19 de Crèvecœur, et le 22 de Bommel[4]. Mais ce fut le terme de ses conquêtes. Il est vrai qu’après la prise de ces deux dernières places on menaça la Hollande sur une ligne continue depuis la mer jusqu’à la Meuse, par Naarden sur le Zuyderzée, Woerden sur le vieux Rhin, Bommel sur le Vhaal, et Crèvecœur sur la Meuse. Placée dans ces positions avancées, l’armée eut l’ordre de ne plus rien entreprendre[5], et elle attendit l’hiver, pour pénétrer, à l’aide des glaces, jusqu’au centre de la Hollande. Louis XIV partit le 26 juillet du camp de Boxtel, traversa les Pays-Bas espagnols avec une forte escorte de cavalerie, et se rendit à Saint-Germain, où il arriva le 1er août au soir. Il avait nommé le maréchal de Turenne gouverneur de la province d’Utrecht, et l’avait laissé comme généralissime de ses troupes[6].

Pendant que tout cela se passait, la haine contre les frères de Witt ne se calmait point, malgré les blessures de l’un et la maladie de l’autre. Le grand pensionnaire, que son intégrité aurait dû mettre au-dessus de tout soupçon, et qui, pendant deux années consécutives, avait pressé vainement les États-Généraux de pourvoir à la défense de la république, accusé dans des libelles de concussion et de trahison, se crut obligé de se justifier devant les États. — « Quoique j’aie toujours été du sentiment, leur écrivit-il, qu’on ne pouvait mieux détruire ces sortes de calomnies qu’en les méprisant et en faisant voir qu’on

  1. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 262-263.
  2. Vie de Jacques II, t. I, p. 250-251. — Lingard, t. XII, p. 328.
  3. Histoire de Turenne, t. I, p. 462.
  4. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 135.
  5. « Que je ne veux plus qu’on fasse rien. » (Agenda de Louis XIV, Œuvres, t. III, p. 235.)
  6. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 250-251.