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taire de sa patrie. Le prince d’Orange répondit froidement qu’on lui faisait cette proposition vingt-quatre heures trop tard, puisqu’il venait de prêter serment aux États en qualité de stathouder. M. Sylvius, lui ayant rappelé avec une hardiesse blessante qu’il avait aussi juré de ne jamais accepter l’offre du stathoudérat, et qu’ayant enfreint le premier serment, il lui était bien permis de manquer au second, le prince fut profondément irrité ; mais il se contint, et il répliqua avec calme que les États qui avaient eu le pouvoir de faire l’édit perpétuel avaient eu le droit de le révoquer, et que, dégagé par eux de son serment, il avait pu accepter d’eux le stathoudérat sans aucun scrupule[1]. Il ajouta qu’ayant l’honneur d’être sorti du sang royal d’Angleterre, le roi de la Grande-Bretagne aurait grand sujet de le désavouer pour son parent s’il renonçait ainsi à sa réputation et à sa conscience, et il finit en disant qu’il s’embarquerait pour Batavia plutôt que de signer la ruine de la république et de recevoir la souveraineté des mains de ses ennemis[2].

Il n’y avait plus rien à attendre de la volonté froide et inflexible du nouveau chef de la république. Les deux rois confirmèrent alors leurs anciens engagemens par un traité que signèrent, le 16 juillet, au camp d’Heeswick, près de Bois-le-Duc, les ambassadeurs de Charles II et les deux ministres de Louis XIV, MM. de Pomponne et de Louvois. On s’obligea des deux côtés à ne faire ni paix ni trêve avec les États-Généraux sans y consentir de part et d’autre, à se communiquer les propositions qu’on recevrait mutuellement, et à ne traiter jamais qu’aux conditions remises à M. de Groot pour la France, et aux conditions suivantes pour l’Angleterre[3] :

1o L’abaissement du pavillon des flottes entières des Provinces-Unies, qui seraient tenues d’abattre leur mât de hune devant un seul navire anglais, dans toute la mer britannique jusqu’aux côtes de Hollande ;

2o La liberté accordée aux Anglais demeurés dans la colonie de Surinam d’en sortir pendant une année entière avec tous leurs biens ;

3o Le bannissement du territoire de la république de tous les réfugiés anglais qui avaient été déclarés coupables du crime de lèse-majesté, ou qui avaient écrit des libelles séditieux contre le roi, ou qui avaient conspiré contre lui ;

  1. Manuscrit no XXVI, p. 107-167 du livre XX de l’Histoire inédite de Wicquefort.
  2. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 255-256.
  3. Ce traité est au dépôt des affaires étrangères.