Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/694

Cette page a été validée par deux contributeurs.
690
REVUE DES DEUX MONDES.

grandes extrémités du temps de Philippe II, plus puissant que Louis XIV, et que Dieu, qui l’avait délivrée de la tyrannie de l’un la préserverait de l’esclavage de l’autre[1].

Mais ces vagues espérances parurent bientôt chimériques à M. de Witt. Accablé par la rapidité de la conquête, et voyant la faiblesse de sa patrie, il essaya de sauver ce qui restait d’elle par des négociations. Il proposa d’envoyer une députation à Louis XIV, se flattant peut-être que ce prince serait ramené à des sentimens de compassion et de générosité envers d’anciens alliés par le succès même de son entreprise et par cette sorte de magnanimité qu’inspire quelquefois l’amour de la gloire. Cette résolution fut adoptée malgré M. Vander Hoole qui présidait les États-Généraux, et M. Gaspard Fagel qui refusa de la signer. La députation fut composée de M. de Groot[2], conseiller de Rotterdam, ami de M. de Witt et naguère ambassadeur en France, du baron de Guent, ex-gouverneur du prince d’Orange, de M. Guillaume de Nassau d’Odyck, son représentant dans les États comme premier noble de Zélande, et de M. Eeck. Les États-Généraux envoyèrent en même temps en Angleterre MM. de Halewyn, conseiller de la cour provinciale de Hollande, et de Dykweld, l’un des chefs du parti républicain[3], pour y joindre leur ancien ambassadeur M. Boreel, qui n’en était pas encore parti, et pour essayer de fléchir Charles II. La première députation partit le 16 juin de La Haye pour le camp de Louis XIV, à qui elle devait remettre la lettre suivante :


« La Haye, 15 juin 1672.
« Sire,

« Nous avons ci-devant tâché de pénétrer l’intention de votre majesté, et de savoir d’elle le sujet de mécontentement qu’elle prenait de nous, pour lui donner toute la satisfaction qu’elle pouvait désirer de nous ; mais voyant que, nonobstant ces offres, elle n’a pas laissé d’approcher des frontières, et ensuite de porter ses armes jusque dans les provinces de cet état, nous avons bien voulu dépêcher encore vers elle, en qualité de nos députés extraordinaires, les sieurs de Guent, de Groot, d’Odyck et Eeck, députés en notre assemblée de la part des provinces de Gueldre, de Hollande, de Zélande et de

  1. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 238.
  2. C’était le fils du célèbre Grotius.
  3. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 251-252.