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évitait de forcer le Vhaal qui, large, profond et garni de forteresses sur tout son cours, depuis le Rhin jusqu’à la Meuse, couvrait les Provinces-Unies du côté de la Gueldre orientale. Elle pouvait descendre par la rive droite du Rhin jusqu’au dessous du Vhaal, repasser alors sur la rive gauche, entrer dans le Betaw[1], et marcher en Hollande. C’est ce qu’elle fit. Mais il fallait auparavant qu’elle assurât sa ligne d’opérations en prenant Rees et Emmerick, situées après Wesel. Ces deux places capitulèrent aussitôt qu’elles furent investies. La première se rendit à Turenne, la seconde à Condé, et l’armée arriva le 11 juin sur le Bas-Rhin, en face de Tolhuys, là même où elle devait s’ouvrir un passage vers le centre des Provinces-Unies.

Le Rhin était fort bas en cet endroit, à cause de la sécheresse de la saison et parce que le Vhaal lui avait déjà enlevé une grande partie de ses eaux. Pendant que le prince de Condé faisait construire un pont de bateaux pour le passage de l’armée, on lui montra plusieurs points du fleuve qui étaient presque entièrement guéables. Il résolut de ne pas attendre que le pont fût achevé, et de lancer la cavalerie sur l’autre bord, afin qu’elle s’en emparât sans retard. Louis XIV en fut aussitôt averti. Voulant être témoin du passage, il laissa son corps d’armée à Rees et accourut avec six mille chevaux. Le matin du 12 juin, deux batteries furent disposées sur la rive droite pour protéger la cavalerie, dont le premier corps, composé de deux mille hommes et commandé par le comte de Guiche, se jeta dans le fleuve, et le traversa, moitié à gué, moitié à la nage.

Cette entrée du territoire hollandais devait être d’abord défendue par le comte de Montbas, qui l’avait abandonnée. Le prince d’Orange, toujours campé derrière l’Yssel, qui se détache du Rhin un peu plus bas que Tolhuys, pour se rendre, en décrivant une courbe, dans le Zuyderzée, avait alors ordonné au général Wurtz de se porter sur la rive gauche du Rhin, avec plusieurs régimens d’infanterie et quelques escadrons de cavalerie. Le général hollandais essaya vainement de s’opposer à l’impétuosité française. Il s’avança jusque dans le fleuve pour arrêter les premiers escadrons. Il fit sur eux une décharge qui leur tua quelques hommes et jeta un peu de confusion dans les rangs ; mais, ramené bientôt sur le rivage par cette vaillante noblesse qui combattait sous les yeux du roi, il fut entraîné dans la fuite précipitée des siens, et toute la cavalerie française passa. L’infanterie hollandaise s’était retranchée entre des arbres, dans une position

  1. La fameuse île des Bataves, formée par le Vhaal, le Rhin et le Leck.