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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

et assez nombreuses ; les munitions avaient été préparées en si petite quantité, que la poudre manqua vers le milieu de la campagne[1] ; l’on avait négligé de réparer et de munir les places qui faisaient la force et la sûreté des Provinces-Unies.

Cependant, à l’approche du danger, les États-Généraux y mirent des garnisons, en espérant que ces places, dont la plupart avaient soutenu de très longs siéges, arrêteraient les premiers efforts de Louis XIV, suspendraient sa marche, et donneraient à plusieurs princes de l’Europe la pensée et le temps de les secourir. Ils envoyèrent aussi, avec une petite armée de vingt-cinq mille hommes, le prince d’Orange récemment nommé capitaine général de la république, derrière les lignes de l’Yssel, par où l’on supposait que Louis XIV tenterait de pénétrer en Hollande[2]. Avant de partir, le jeune prince d’Orange ouvrit vainement le sage avis d’abandonner les places les plus faibles pour se concentrer dans celles que leur position et leur force rendaient plus nécessaires à garder et plus faciles à défendre. M. de Witt ne se rendit pas à cette opinion. Il pensa qu’en les défendant toutes on retarderait plus long-temps les progrès de Louis XIV[3].

Mais quels ne furent pas son étonnement et son trouble lorsqu’il sut qu’en quatre jours, du 3 au 7 juin, les places d’Orsoy, de Rhynberg, de Burick, de Wesel, étaient tombées entre les mains de Louis XIV et de ses généraux[4] ! Ce succès si prompt et si extraordinaire jeta le découragement dans les autres garnisons, et répandit une alarme universelle dans les Provinces-Unies. En apprenant que cette première barrière avait été si facilement franchie, Jean de Witt prévit la désastreuse influence qu’aurait la reddition de ces places avancées sur le sort des autres, et tout consterné, il s’écria : La république est perdue[5] ! Maîtresse de Wesel, l’armée française passa tout entière le Rhin, le 9 juin[6]. Par cet habile mouvement, elle

  1. Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 210 (édition de La Haye, 1726, grand in-fo.).
  2. Histoire inédite de M. de Wicquefort, p. 58-66 du liv. XX, dans le manuscrit no XXVI, au dépôt des affaires étrangères. — M. de Wicquefort était ami des de Witt, a eu entre les mains les registres des délibérations des États-Généraux, et avait long-temps correspondu avec M. de Lionne.
  3. Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 198, 211 et 216.
  4. Histoire de Turenne, t. I, p. 445-446 — Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 185-189.
  5. Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 216.
  6. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 193.