Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/682

Cette page a été validée par deux contributeurs.
678
REVUE DES DEUX MONDES.

en même temps par mer et par terre ; de traités de neutralité avec l’empereur d’Allemagne et plusieurs princes de l’empire, pour qu’ils la laissassent envahir sans la défendre ; un traité de coopération éventuelle avec le roi de Suède pour qu’il fit marcher ses troupes contre ceux qui tenteraient de la secourir. Lorsqu’il eut ainsi complètement isolé la Hollande et qu’il eut pris toutes les mesures pour l’accabler, il lui déclara la guerre au printemps de 1672 et l’envahit. Le récit qu’on va lire forme la suite et en quelque sorte le dénouement de toutes les négociations préliminaires, que M. Mignet expose dans toute leur nouveauté et toute leur étendue, d’après les documens inédits déposés aux archives des affaires étrangères.


Après la déclaration de guerre, Louis XIV partit de Saint-Germain, le 28 avril 1672, pour entrer en campagne. Il se rendit à Charleroi, où il arriva le 5 mai. L’armée qu’il avait réunie sur la Sambre et dans les Ardennes était composée d’environ cent dix mille hommes. Elle était bien équipée, munie, ce qui ne s’était pas vu encore, des batteries de campagne et de siége nécessaires pour cette grande expédition[1]. D’immenses approvisionnemens l’attendaient sur la Meuse et sur le Rhin[2], et elle devait être commandée par les plus habiles capitaines du siècle.

Le duc de Luxembourg, à la tête d’un corps, fut détaché pour se rendre auprès de l’électeur de Cologne et de l’évêque de Munster, et prendre le commandement de leurs troupes auxiliaires[3]. Le prince de Condé forma l’avant-garde avec trente mille hommes. Le reste de l’armée s’élevant à quatre-vingt mille hommes, placé sous les ordres immédiats du roi, eut le duc d’Orléans pour généralissime et le vicomte de Turenne pour général réel[4].

On pouvait attaquer les Provinces-Unies par deux côtés : par la Meuse ou par le Rhin. Le prince de Condé proposa de prendre d’abord Maëstricht, qui appartenait à l’électeur de Cologne, évêque de Liége,

  1. « Louis XIV entra en campagne, dit Napoléon dans l’examen des campagnes de Turenne, avec plus de cent mille hommes, les trois quarts en infanterie, ayant un équipage de siége et de campagne ; cela forme une nouvelle ère de l’art militaire. » (Mémoires de Napoléon, t. V, p. 128.) — Turenne avait présidé lui-même à tous les préparatifs de la campagne. (Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 115.)
  2. Voir le Premier état du maréchal de Turenne, intitulé : Vivres et munitions pour la Meuse et le Rhin, dans les Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 116-117.
  3. Lettres de Louis XIV à l’électeur de Cologne et à l’évêque de Munster. (Œuvres, t. III, p. 131-132.)
  4. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 124-126. — Histoire du vicomte de Turenne, par Ramsay, t. I, p. 441-442 (édition in-4o ; Paris, 1735).