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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1841.


L’Espagne offre un spectacle de plus en plus affligeant pour tous les amis d’une liberté régulière, en particulier pour nous, qui, plus que toute autre nation, devons désirer l’affermissement, chez nos voisins, de la monarchie constitutionnelle. La réaction du parti vainqueur est à la fois désordonnée et sanglante. Des juntes démagogiques ont surgi à Barcelone, à Valence, à Alicante ; on ne sait pas où s’arrêtera cet esprit d’insurrection et de désordre. Les généraux Rodil et Zurbano aspirent à une triste célébrité par les crimes qu’ils tolèrent et par les violences qu’ils commandent. Ainsi qu’il était facile de le prévoir, le régent est entraîné par le mouvement de son parti. Où prendrait-il en effet son point d’appui pour résister ? D’un côté, il a suspendu par un décret le paiement de la pension que les cortès avaient accordée à la reine Christine ; de l’autre, ce qui est plus grave encore, il a d’un trait de plume supprimé les fueros des provinces basques. Avant de songer à faire rentrer dans l’ordre les démagogues de la Catalogne, il a infligé un châtiment à des provinces qui n’ont nullement favorisé la révolte des christinos. On dirait qu’on veut faire repentir les Basques de leur prudence et de leur inaction ; parce qu’ils n’ont pas recommencé la guerre civile, on leur enlève les droits qu’on leur avait reconnus précisément lorsqu’ils avaient consenti à mettre bas les armes et à signer la paix. L’unité nationale est à nos yeux chose si précieuse, que nous ne désirons pas voir échouer le coup d’état que vient de faire Espartero : nous voudrions apprendre que les provinces basques se résignent et se nationalisent. Mais suffit-il d’un décret pour effacer tout à coup les traditions, les habitudes, les affections, les intérêts d’un pays ? En faisant sa célèbre proposition, Sieyès demandait la déclaration solennelle d’un fait que l’histoire, par un travail lent et séculaire, avait désormais accompli en France. On n’improvisait pas l’unité française ; on la proclamait. L’unité était un besoin profondément senti de la France entière ; si l’assemblée constituante avait pro-