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LE CONSEIL D’ÉTAT.

Je ne me dissimule point les objections qui peuvent être dirigées contre ces propositions. Je sens qu’elles ne règlent pas définitivement la question, qu’elles pourront avoir pour résultat un déni de justice, et enfin qu’elles transportent devant les pouvoirs parlementaires des questions privées. Je ne connais pas une solution qui n’offre des difficultés analogues et peut-être plus sérieuses. Ces objections m’arrêteraient s’il s’agissait de mesures qui dussent être employées fréquemment, dans des cas ordinaires et pour des motifs légers ; mais le veto que j’autorise n’est, comme je l’ai dit, qu’un moyen extrême pour des circonstances tout-à-fait exceptionnelles et tellement graves, qu’elles mériteraient d’occuper les chambres. Dans mon intime conviction, le gouvernement n’aurait jamais besoin d’y recourir.

Ainsi, une section connaîtrait du contentieux, au lieu du conseil entier, innovation nécessaire, à mon avis, dans tous les systèmes ; sa composition serait laissée au choix du gouvernement, sans condition spéciale ; cette section serait investie d’un droit de juridiction reconnu par la loi ; le gouvernement pourrait la dessaisir de toute affaire étrangère à sa compétence, et, pour celles dont elle conserverait le jugement, il aurait le droit, dans des cas extrêmes et par mesure exceptionnelle, d’empêcher l’exécution de la décision.

Ces dispositions se rapprochent beaucoup du régime actuel ; elles le régularisent, à vrai dire, plus qu’elles ne le modifient. J’avoue que je cherche à m’en écarter le moins possible. Ce régime est vicieux avec les développemens qu’on prétend lui donner, avec les théories dont on l’entoure spéculativement, sans les avoir jamais appliquées ; cependant il faut convenir qu’il ne produit pas de mauvais résultats, et que les décisions rendues par le conseil d’état satisfont aux conditions d’une bonne justice. Je veux donc, tout en donnant raison aux principes, ne point substituer un inconnu dont on ne pourrait prévoir toutes les conséquences à un système depuis longtemps pratiqué, défini, et dont les intérêts privés ne souffrent pas plus que ceux de l’état.


Je me hâte de terminer cet exposé ; j’ai besoin de demander grace pour sa longueur et sa sécheresse. Plus court, j’aurais été en même temps plus obscur, et il est des questions qu’on résout presque en s’attachant à les exposer clairement. L’importance du sujet et la prochaine discussion qu’il doit soulever dans les chambres me serviront d’excuse.


Vivien.