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LE CONSEIL D’ÉTAT.

toutes les nécessités du service, doit contenir des membres qui appartiennent à des branches spéciales et techniques de l’administration, des généraux, des savans, des hommes de lettres. Je ne les offenserai pas en disant que tous n’ont peut-être pas toujours une aptitude bien décidée pour le jugement des affaires contentieuses ? On m’a assuré qu’un homme à qui ne manquait certainement ni l’étendue de l’esprit, ni la finesse de l’intelligence, ni la science du gouvernement, que Benjamin Constant ne paraissait pas apporter une compréhension bien nette à la discussion de ces affaires. Il est donc désirable qu’elles soient examinées seulement par un comité composé des hommes les plus compétens ; elles seront ainsi mieux jugées, et le reste du conseil d’état s’occupera plus librement des autres parties du service, et particulièrement de la préparation des lois.

Les précautions prises par la commission de la chambre des députés pour la composition du comité du contentieux sont dictées par un louable esprit de justice, mais elles laissent percer une défiance excessive. Je pense avec la commission que les juges du contentieux ne doivent pas être inamovibles. Cette garantie est précieuse en général ; la charte l’a consacrée avec raison, mais il ne faut pas qu’elle soit prodiguée. Trop souvent l’inamovibilité ne profite qu’aux incapables et aux magistrats affaiblis par l’âge ou les infirmités. La commission démontre parfaitement, comme l’avait fait plus explicitement encore l’honorable M. Vatout, dans son rapport de 1837, que les juges du contentieux administratif peuvent, sans blesser la charte, demeurer amovibles. Mais je ne voudrais pas davantage des mesures par lesquelles on propose en quelque sorte de remplacer l’inamovibilité. L’obligation de cinq années de service et la condition de se trouver dans les deux tiers plus anciens du conseil d’état peut être un obstacle à l’entrée dans le comité du contentieux de conseillers d’état qui y rendraient des services notables. Un grand jurisconsulte, un magistrat de l’ordre judiciaire, appelés au conseil d’état, pourraient, dès leur entrée, devenir de fort bons juges du contentieux ; cette considération serait de nature à déterminer leur nomination ; faudrait-il qu’ils en fussent exclus pendant de longues années ? La garantie de la conservation du tiers du traitement, en cas de révocation, produirait ce singulier résultat, que le conseiller d’état révoqué obtiendrait une rémunération supérieure et de beaucoup à la pension de celui qui prendrait sa retraite après trente années de bons services. Cette disposition pourrait d’ailleurs favoriser des abus nuisibles au trésor.