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En est-il de même de l’action qu’elles exerceraient sur le contentieux ?

Un honorable député, rapporteur d’une commission de la chambre en 1835, a cru qu’on pourrait procéder de la même façon en matière de contentieux et faire peser sur le ministère la responsabilité collective d’une jurisprudence qui, « par trop de facilité dans la liquidation des pensions, dans l’interprétation des marchés, dans l’application des déchéances, ferait éprouver des dommages au trésor : qui, par une interprétation erronée des lois sur les places de guerre, compromettrait la défense du pays. » On comprend ces procès de tendance quand l’administration jouit d’une certaine liberté d’action ; mais le jugement du contentieux n’admet pas le plus ou le moins, il est chose de droit strict et d’obligation étroite, non d’arbitraire et de caprice. Pour ne prendre qu’un seul exemple, qu’entend l’honorable membre par les facilités dans la liquidation des pensions ? Elle est rigoureusement établie par les règlemens. Compter les années de service, appliquer le tarif ; il n’y a rien de plus à faire. L’arbitraire préside aux admissions à la retraite, mais elles dépendent de l’administration pure, qui en sera responsable à ce titre. L’appréciation des infirmités qui donnent droit à des pensions exceptionnelles peut créer des difficultés et se faire diversement ; mais elle n’est pas plus arbitraire que la constatation des faits qui se rencontrent dans tous les procès. Les lois sur les pensions peuvent enfin contenir des dispositions obscures susceptibles d’interprétation, mais leur application est encore rigoureuse et de droit. Or, comment admettre que les ministres seront responsables de la façon dont ils auront apprécié des infirmités alléguées, ou interprété des textes de loi invoqués pour obtenir pension ? J’en pourrais dire autant des autres exemples cités.

Le système qui attribue à la responsabilité ministérielle le contentieux administratif produit d’étranges contradictions.

Ses partisans ne peuvent nier que des droits s’y trouvent impliqués, et ils les livrent à l’arbitraire. Dans la loi sur le conseil d’état, on veut leur enlever la protection d’une juridiction et leur donner la responsabilité ministérielle pour seule garantie ; dans la loi sur la responsabilité des ministres, on leur refuse tout recours en indemnité, après la décision rendue, apparemment parce que cette décision est considérée comme l’œuvre d’une juridiction et non d’un pouvoir responsable.

Certaines matières contentieuses obtiennent, à titre de garanties nécessaires, ce qui est refusé à d’autres comme concessions dange-