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que toute concession est purement chose de grace et de bon vouloir. Dans le second cas, elles appartiennent au contentieux administratif.

Ainsi, le contentieux administratif se compose de toutes les réclamations fondées sur la violation des obligations imposées à l’administration par les lois qui la régissent ou par les contrats qu’elle souscrit ; ainsi, toute loi qui établit une compétence, qui trace une forme d’instruction ou qui pose une règle de décision, peut donner ouverture à un débat contentieux, s’il est allégué que la compétence soit intervertie, la forme inobservée ou la règle enfreinte. Tout contrat passé par l’administration a le même effet, si quelque contestation s’élève sur le sens ou l’exécution de ses clauses. L’ensemble de ces débats considérés en masse forme le contentieux de l’administration : il se compose donc d’une nature particulière de contestations qui se distinguent, comme on voit, du contentieux judiciaire et de l’administration pure.


On a souvent parlé de dresser la nomenclature des affaires contentieuses et même de l’insérer dans la loi du conseil d’état : à plusieurs reprises, le gouvernement a promis de se livrer à ce travail ; en 1830, il avait été remis à une commission formée par M. le duc de Broglie, ministre de l’instruction publique et président du conseil d’état, d’après les principes de l’article de la Revue française. Cette commission devait examiner successivement les attributions du conseil d’état, et restituer les unes aux tribunaux civils, les autres à l’administration pure ; elle s’est courageusement mise à l’œuvre et a rédigé un projet en deux cent quarante-six articles fort savant et fort consciencieusement élaboré, mais entièrement basé sur l’erreur qui fait consister le contentieux administratif, non dans un genre d’affaires, mais dans une série d’espèces distinctes, erreur fort répandue et dont on retrouve la trace dans l’ordonnance du 1er juin 1828 sur les conflits. Donner la nomenclature des affaires contentieuses est chose impossible ; il faudrait prendre une à une toutes les lois administratives pour rechercher dans chacune les dispositions qui dépendent de ce que j’ai appelé le pouvoir discrétionnaire et le pouvoir réglé ; on ne pourrait découvrir les questions qui résulteraient de leur silence, quand elles sont muettes ; la loi générale ne serait jamais au courant des lois spéciales que chaque jour voit naître. Toute loi administrative crée virtuellement des affaires nouvelles ; celle sur l’état des officiers, par exemple, en constituant des droits nouveaux, a agrandi ce terrain d’alluvion. Il serait impossible de régler à l’avance